"Moi, quand je serai grande, je serai une zombie (faite d'obscurité, de toujourité, et de trucs comme ça), donc j'aurai pas peur de la mort. Les zombies, à être ni vivant ni mort, là-bas dans l'obscurité, ça a pas de "problème d'estime de soi" ; et puis la "lumière", c'est pas aussi extraordinaire que c'qu'on dit."
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Hello les aminches.
Vous connaissez le syndrome du Nil occidental ?
- Le virus du Nil occidental peut être à l’origine d’une maladie neurologique mortelle chez l’homme.
- Néanmoins, environ 80% des personnes infectées restent asymptomatiques.
- Le virus du Nil occidental est principalement transmis par les piqûres de moustiques infectés.
- Il peut aussi provoquer une maladie grave et la mort chez le cheval.
- Il existe des vaccins pour les chevaux, mais pas encore pour les êtres humains.
- Les oiseaux sont les hôtes naturels du virus du Nil occidental.
En 2002, une mère célibataire, née en 1962 à Chicago, gagne sa vie comme illustratrice. Elle dessine des jouets, participe à des films d'animations. Le jour de ses 40 ans, elle se fait piquer par un moustique.
Trois semaines plus tard, elle sort du coma. On lui diagnostique une méningo-encéphalite. Elle a chopé l'une de formes les plus graves du syndrome du Nil occidental. Elle ne pourra plus remarcher. Sa main droite ne peut plus tenir un crayon.
En 2017, Emil Ferris sort une BD. Un roman graphique. Une oeuvre d'art. Il faut bien le définir le monstrueux et magnifique rejeton de Emil Ferris qui a retrouvé partiellement l'usage de sa main droite.
Chicago, fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, adore les fantômes, les vampires et autres morts-vivants. Elle s’imagine même être un loup-garou: plus facile, ici, d’être un monstre que d’être une femme.
Le jour de la Saint-Valentin, sa voisine, la belle Anka Silverberg, se suicide d’une balle dans le cœur. Mais Karen n’y croit pas et décide d’élucider ce mystère.
Elle va vite découvrir qu’entre le passé d’Anka dans l’Allemagne nazie, son propre quartier prêt à s'embraser et les secrets tapis dans l’ombre de son quotidien, les monstres, bons ou mauvais, sont des êtres comme les autres, ambigus, torturés et fascinants.
Voilà un objet littéraire pas clairement défini. Se présentant comme un journal intime d'une jeune adolescente qui préfère se voir comme une louve garou que comme une femme en devenir. Du texte crayonné, bordant, traversant les dessins à vif, noir et blanc, couleur. La seule règle est qu'il n'y en a pas...
Entre sa mère superstitieuse, qui enchaîne les gestes rituels, les contre sorts et les incantations foireuses et son grand frère queutard, torturé et artiste ; elle est ne manque pas d'amour Karen.
Sa mère lui apprend à faire ce qui est juste. Son frère l'initie à l'Art, lui décrypte les tableaux de maître (planches saisissantes). Mais la société dans laquelle Karen se meut est violente et ne supporte guère les écarts. Et Karen ne vit que pour les marges...
Ode lyrique aux marginaux, à celles et ceux qui ne rentrent pas dans les cases, MOI CE QUE J'AIME, C'EST LES MONSTRES n'en a pas, de cases.
Ce pavé... C'est quelque chose. Une expérience de lecture dense et intraitable. Et addictive surtout. On s'attache au pas de Karen, on la suit, on tremble avec elle, on se questionne avec elle. Emil Ferris croque, avec une singulière délectation, une atmosphère de mystère et de drame. Elle mélange avec bonheur la petite et la grande Histoire, l'intime et le collectif.
Adoubé par Art Spiegelman, Emil Ferris savoure désormais un succès planétaire mérité.
Souvent galvaudé, employé à tort et à travers, MOI CE QUE J'AIME, C'EST LES MONSTRES permet cette chose inouïe : l'emploi juste d'un vocabulaire précis.
MOI CE QUE J'AIME, C'EST LES MONSTRES est un chef-d'oeuvre.
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