samedi 24 mars 2018


"Je crois que chaque mensonge a sa propre inertie. Un mensonge isolé parvient difficilement à ses fins, c’est un grain de sable dans la main ; mais bien vite, les grains s’accumulent, et aucune poigne n’est alors assez forte pour les retenir."

***

Bien le bonjour les aminches. 

Qu'est ce qui peut bien poussé des femmes et des hommes à braver l'inconnu ? Confier leur existence sur de simples prémonitions, intuitions, calculs aléatoires "ça devrait être là" ?

La gloire ? Pas toujours. Pour un Christophe Colomb, combien d'inconnu(e)s squelettant dans des armures rouillées ? Ok on pourrait dire qu'ils ont échoué à obtenir reconnaissance et fortune... 

Tout de même, il faut une foutue dose d'inconscience, de curiosité aussi ?

Et le sentiment religieux ? 

La foi qui soulèverait les montagnes et qui oublierait de les reposer après, dans l’état où elle les a trouvées ?


Touchée par la grâce, Lee Suh-Mi a reçu la vision d’une planète lointaine, un éden où serait révélé aux hommes le secret de leur place dans l’Univers. Sa conviction est telle qu’elle a entraîné plusieurs centaines de fidèles dans ce voyage sans retour à la rencontre de leur créateur. 

Vingt-deux ans se sont écoulés depuis qu’ils sont arrivés là-bas et qu’ils ont établi leur colonie au pied d’une énigmatique structure extraterrestre, la Cité de Dieu, dans laquelle Lee Suh-Mi a disparu depuis lors.

Ingénieure impliquée dans le projet depuis son origine, Renata Ghali est la dépositaire d’un terrible secret sur lequel repose le fragile équilibre de la colonie.  

Équilibre qui pourrait voler en éclats avec l’entrée en scène d’un nouveau membre, un homme qui ressemble étrangement à Suh-Mi, trop jeune pour faire partie de la première génération de colons...

Nombreux sont les bouquins de Sf qui jonglent avec le concept de la foi. Jonglerie qui s'apparentes à de la dextérité avec de la lave fondue sans moufles ignifugées. C'est pour cette raison que la plupart de ces ouvrages restent dans une ambiguïté prudente, ce qui n'empêche pas quelques chefs d’œuvres, tel LE MOINEAU DE DIEU, phénoménal.

Ainsi pour un James Morrow assumant sans complexe son irrévérence débridée dans son hilarant EN REMORQUANT JEHOVAH, on en reste pour tant d'autres à une soucieuse équanimité, une alliance apaisante (et improbable) entre foi et science

Emma Newman propose un autre chemin, elle arpente les deux sentiers. Dans son premier et court roman, elle assène que cette nouvelle religion repose avant tout sur une mystification. Et cette mystification est présentée comme nécessaire pour que la société continue de tourner comme on veut qu'elle tourne. 

C'est un roman bien sûr les filles. On n'est pas obligé d'y voir là une simplification essentialiste de l'histoire du monde, non... 

On n'est pas non plus forcé de s'interdire d'y songer.

La quasi totalité du livre nous guide jusqu'à la résolution de ce mensonge primordial. 

Après... Emma Newman emballe la fin de son récit en une vingtaine de pages et pond sa fin ouverte sur un possible plan ""divin"" (faute d'autre terme) de tout le bouzin.

Cette fin précipitée gâche un peu le plaisir. Jusque là, nous étions portés par une plume alerte et une héroïne attachante, paumée, qui entasse compulsivement tout ce qu'elle peut récupérer au point de transformer son home sweet en gourbi infernal.

En fait... Le roman de Emma Newman est trop court.

Il vaut mieux ça que l'inverse.

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