dimanche 4 décembre 2022

« La Guerre est comme une chambre ardente. Quand elle s'ouvre, je n'ai que mes chimères pour me protéger. »

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Ils sont nés sur les champs de bataille de 14-18, dans le souffle des gaz et des armes à rayons X. 

Ils ont pris le contrôle des grandes capitales européennes. 

Par-delà le bien et le mal. 

Les feuilletonistes ont fait d’eux des icônes. Les scientifiques sont fascinés par leurs pouvoirs. 

Pourtant, au centre du vieux continent, une menace se profile, qui risque d’effacer jusqu’au souvenir de leur existence.

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Dans la postface de l’intégrale de La brigade chimérique, Serge Lehman déplore le manque de super héros dans l’imaginaire collectif européen. En nos temps numériques de surpuissant.e.s moulé.e.s dans du néoprène trèèèèès près du corps, jouant à saute-building, et si on rasait une métropole parce que je n’ai pas eu mes Crispies ; j’aurais tendance à saluer, au contraire, cette absence aussi existentiel que le vide neuronal d’un Hanounien moyen.

Ce n’est pas aux blockbusters que Lehman se réfère mais aux Comics. Les comics sont une création étasunienne. J’imagine que Lehman, son compère Fabrice Colin et ses complices Gess et Céline Bessonneau, ont hésité : à quoi bon quand Alan Moore est passé par là, qu’il a brisé la mythologie et donné le chef-d’œuvre ultime avec Watchmen.

Ils leur restent une voie de traverse, qu’ils empruntent vaillamment, s’appuyer sur le feuilletonesque européen, sur les écrivains de fantastique et de science-fiction du début du XXème, celle des origines et l’extirper de la gangue de mépris où on la laissait croupir.

La brigade chimérique est à la fois loin et proche des comics, elle en reprend les codes, le côté sériel et ramassé mais y insuffle une ironie amère, un nihilisme grinçant typiquement vielle Europe. Son action se situe après la première Grande Boucherie, pendant que la seconde se prépare, Une boucherie qui sera industrielle.

La brigade chimérique possède également une ampleur, une ambition presque trop grande. Ce côté cérébral, cette narration éclatée, la multiplication des pistes, ce crayonné étrangement beau et froid ; tout cela réclame une lecture soutenue qui trouve sa récompense dans un final poignant et surprenant.

Convoquant à la fois le surréalisme Bretonien, les figures populaires et littéraires, Kafka y côtoie le Passe Muraille, La brigade chimérique est comme cette glaise informe qui acquière par la grâce du tour du potier une grâce unique, très éloignée des mâchoires carrées et des certitudes du super slip moyen. Dwayne Johnson ne devrait pas jouer dans le film...

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