"En Italie, la ligne la plus directe entre deux points est l'arabesque."
***
Ciao les aminches.
5 février 1960. Milan.
La première de la DOLCE VITA de Fellini crée un scandale.
Lors de l'« orgie » finale, les gens quittent la salle en protestant à haute voix. À la fin, le film est sifflé malgré quelques applaudissements. Quand il descend les marches du balcon, Fellini reçoit un crachat. Marcello Mastroianni est insulté : « lâche, clochard, communiste ! ».
Evidemment, par un effet totalement contre productif, les contempteurs du film lui font une éclatante publicité. Le lendemain, la foule s'amasse devant le cinéma et en brise les portes de verre pour voir le film avant qu'il ne soit interdit par la censure. Le phénomène s'étend aux autres villes et le film fait des records d'entrée à Rome et à Milan
Cette première scandaleuse, de ce qui deviendra à la fois le parangon du film d'auteur et un réel succès commercial, préambule le beau livre de Simonetta Greggio :
1959. Le film de Federico Fellini, la Dolce vita, fait scandale en Italie, dans un pays pudibond tenu par l’Église ; il remporte la Palme d’or à Cannes en 1960. Son succès signe le début d’une ère pleine de promesses et de libertés qui rompt avec les années de pauvreté de l’après-guerre.
1969. Une bombe explose à Milan et fait seize morts. C’est un massacre, le premier d’une longue série, qui voit le pays durablement endeuillé par les actes de terrorisme.
2010. Le prince Malo se confie au prêtre Saverio. À quatre-vingts ans passés, il sait qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre. Sa confession porte sur son existence dissolue, celle d’une aristocratie décadente, et les secrets hautement politiques qu’il a tus jusque-là.
Ah l'Italie les filles. Un pays d'une beauté presque douloureuse, dont le moindre gravillon coincé entre deux pavés est chargé d'histoire !
Je vis en France et par là même, j'ai un peu plus de mal à prendre un recul nécessaire par rapport à notre propres turpitudes, d'où un effarement un brin condescendant à la lecture du marigot invraisemblable de la vie politique et financière italienne de la fin de la seconde guerre mondiale à l'orée des années 80.
Mais l'Italie a un 'ti truc en plus, presque rien : le Vatican. Ses ors, ses intrigues et son IOR, l'Institut pour les Œuvres de Religion, la principale institution financière du Saint Siège. Organisme sulfureux pour ses liens avec la mafia et imperturbable machine à mouliner du scandale juteux vite étouffé.
Et les Années de plomb, les Brigades Rouges, la mort du premier ministre Aldo Moro enlevé par ces mêmes brigades, mort qui arrangeait bien du monde.
Simonetta...
... Greggio narre avec maestria les aléas de son pays, mélangeant les faits avérés et les anecdotes fictives, tragiques ou savoureuses, de son prince débauché, l'aristocrate d'un autre temps, un Guépard queutard, témoin des vicissitudes de son pays.
Faisant preuve d'un sens de la chronologie aléatoire mais d'une plume alerte, empathique, Simonetta ne se déprend jamais de son autre Italie, une rose fragile dans la fange.
Et il en faut de l'amour pour un pays parfois obscur, volontiers machiste, renversant la culpabilité du violeur, un homme sain forcément chauffé par une s....e en chaleur :
« Aucun avocat ne défendrait le responsable d’un vol dans une joaillerie en se fondant sur la moralité du joaillier. C’est pourtant ce qui se pratique communément dans un procès pour viol. C’est la victime, et non le violeur, qu’on juge. Pardonnez-moi d’être franche, mais cela s’appelle solidarité masculine, car l’exemple d’une victime transformée en accusée sert à décourager toutes les femmes qui voudraient demander justice à leur tour. Je ne parlerai pas de Fiorella, c’est humiliant pour elle et pour moi de venir nous justifier, de dire, non, Fiorella n’est pas une putain. Et puis une femme a le droit d’être ce qu’elle veut. Je ne suis pas la défenderesse de Fiorella. Je suis l’accusatrice d’une certaine manière de procéder dans les procès pour viol ! »
Pages terribles, implacables, désespérantes.
Simonetta continue son travail de sape avec les décennies suivantes :
Après DOLCE VITA Simonetta Greggio reprend le portrait de l'Italie, qu'elle avait laissé après l'assassinat d'Aldo Moro en 1978.
On s'en serait un peu douté, le personnage central de ce roman, c'est la Mafia, cette pieuvre qui gangrène tout ce qu'elle touche et notamment la politique et ses cohortes de parasites véreux qui, à tous les niveaux du pouvoir, profitent d'un système juteux.
En 1993, au plus fort de l'été, Berlusconi était au plus haut dans les sondages. Celui que l'Europe entière s'accorde à regarder comme un triste pantin, inéligible actuellement, refait surface et menace la démocratie.
Ici comme ailleurs, tant que les politicards ne sont pas six pieds sous terre, ils chercheront toujours à revenir sur le devant de la scène.
Je m'en pourléchais les babines, un livre où la Caïman, le botoxé priapique tiendrait la scène.
J'avoue que je suis resté sur ma faim. Ne voulant sans doute pas dérouler un unique réquisitoire contre un triste sire, Simonetta, que l'on ne soupçonne jamais d'une quelconque Berlusconâtrie, met la pédale douce.
Bien sûr les coups de mâchoires sont bien là mais Simonetta préfère revenir sur l'affaire Moro, cet assassinat d'un homme que l'on pressent juste et droit par des prétendus révolutionnaires.
Dans ce deuxième opus, les faits avérés sont moins présents et le romanesque prend la lumière mais ce vieil adage sur le réel plus fort que la fiction se vérifie une fois encore.
Si la magie n'opère plus tout à fait au même niveau, on reste encore interloqué devant l'alliance contre nature entre un étatde droit et une mafia omnipotente et ce sans la moindre pudeur.
"La mafia, c'est le système. Il n'y a pas la politique d'un côté et la corruption de l'autre. C'est le même corps avec ses organes et ses membres, et tout se meut par la volonté d'un seul cerveau."
A vrai dire, c'est plus franc que sous nos contrées.
Simonetta rend un hommage vibrant aux sentinelles expiatoires d'une démocratie en danger : les journalistes et surtout, surtout, les juges, qui tentent plusieurs fois de faire sauter le couvercle.
"Ouvrir la boîte de Pandore signifiait mettre au jour les collusions criminelles entre certaines parties de l'Etat, des sections des services secrets, les branches dévoyées de la franc-maçonnerie, les représentants de l'extrême droite terroristes, des cercles entrepreneuriaux et financiers."
Juges qui sont décimés, implosés avec une régularité macabre.
Simonetta clôt sa trilogie italienne avec un dernier livre dispensable :
Dans les douces collines de Toscane, le Monstre de Florence a sauvagement assassiné sept jeunes couples entre 1968 et 1985. Le principal suspect est mort
en attendant un énième procès et le silence a recouvert toute l’histoire...
Jusqu’au jour où filles et garçons recommencent à tomber, fauchés par un serial killer étrangement semblable à celui d’autrefois. Le Monstre est-il revenu ? A-t-on commis une erreur à l’époque ?
Le capitaine des carabiniers Jacopo D’Orto mène l’enquête. Proche de la retraite, il n’a plus rien à perdre. Dans une course contre la montre, il fouille la fosse où la boue des mystères italiens s’est amassée.
Simonetta s'essaye au polar. Noir, sans sucre et serré.
Le problème est qu'elle n'atteint pas tout à fait le niveau des Ellroy, Pete Dexter et autres...
Et la manie un brin agaçante de son écriture staccato, des mots lancés comme une rafale qui tournent vite à la recette stylistique un poil facile :
"Mais on dirait que la faute vous suit. On paye tout. Où qu’on soit, quoi qu’on ait fui, ça ne s’arrête jamais.
Punition,
Rédemption.
Expiation."
Le problème vient surtout qu'elle gloubiboulgase le bouzin en amalgamant la vraie histoire du monstre de Florence (dont Thomas Harris s'est inspiré pour son Hannibal Lecter), des rituels sataniques obscurs et même Charles Manson...
Le final incohérent fait songer à un mauvais twist et laisse bien trop de questions sans réponses.
Nan les filles, lisez plutôt DOLCE VITA & LES NOUVEAUX MONSTRES qui vous emmèneront dans une Italie loin des dorures et des chef d’œuvres de la Renaissance.
Tout en vous donnant envie d'aller illico arpenter la divine Botte.
Fort. Très fort.
Ah ! Ces Italiens quand même...
C'est pas par chez nous qu'on verrait ça, genre un "suicide" par noyade dans une flaque d'eau...
5 février 1960. Milan.
La première de la DOLCE VITA de Fellini crée un scandale.
Lors de l'« orgie » finale, les gens quittent la salle en protestant à haute voix. À la fin, le film est sifflé malgré quelques applaudissements. Quand il descend les marches du balcon, Fellini reçoit un crachat. Marcello Mastroianni est insulté : « lâche, clochard, communiste ! ».
Evidemment, par un effet totalement contre productif, les contempteurs du film lui font une éclatante publicité. Le lendemain, la foule s'amasse devant le cinéma et en brise les portes de verre pour voir le film avant qu'il ne soit interdit par la censure. Le phénomène s'étend aux autres villes et le film fait des records d'entrée à Rome et à Milan
Cette première scandaleuse, de ce qui deviendra à la fois le parangon du film d'auteur et un réel succès commercial, préambule le beau livre de Simonetta Greggio :
1959. Le film de Federico Fellini, la Dolce vita, fait scandale en Italie, dans un pays pudibond tenu par l’Église ; il remporte la Palme d’or à Cannes en 1960. Son succès signe le début d’une ère pleine de promesses et de libertés qui rompt avec les années de pauvreté de l’après-guerre.
1969. Une bombe explose à Milan et fait seize morts. C’est un massacre, le premier d’une longue série, qui voit le pays durablement endeuillé par les actes de terrorisme.
2010. Le prince Malo se confie au prêtre Saverio. À quatre-vingts ans passés, il sait qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre. Sa confession porte sur son existence dissolue, celle d’une aristocratie décadente, et les secrets hautement politiques qu’il a tus jusque-là.
Ah l'Italie les filles. Un pays d'une beauté presque douloureuse, dont le moindre gravillon coincé entre deux pavés est chargé d'histoire !
Je vis en France et par là même, j'ai un peu plus de mal à prendre un recul nécessaire par rapport à notre propres turpitudes, d'où un effarement un brin condescendant à la lecture du marigot invraisemblable de la vie politique et financière italienne de la fin de la seconde guerre mondiale à l'orée des années 80.
Mais l'Italie a un 'ti truc en plus, presque rien : le Vatican. Ses ors, ses intrigues et son IOR, l'Institut pour les Œuvres de Religion, la principale institution financière du Saint Siège. Organisme sulfureux pour ses liens avec la mafia et imperturbable machine à mouliner du scandale juteux vite étouffé.
Et les Années de plomb, les Brigades Rouges, la mort du premier ministre Aldo Moro enlevé par ces mêmes brigades, mort qui arrangeait bien du monde.
Simonetta...
... Greggio narre avec maestria les aléas de son pays, mélangeant les faits avérés et les anecdotes fictives, tragiques ou savoureuses, de son prince débauché, l'aristocrate d'un autre temps, un Guépard queutard, témoin des vicissitudes de son pays.
Faisant preuve d'un sens de la chronologie aléatoire mais d'une plume alerte, empathique, Simonetta ne se déprend jamais de son autre Italie, une rose fragile dans la fange.
Et il en faut de l'amour pour un pays parfois obscur, volontiers machiste, renversant la culpabilité du violeur, un homme sain forcément chauffé par une s....e en chaleur :
« Aucun avocat ne défendrait le responsable d’un vol dans une joaillerie en se fondant sur la moralité du joaillier. C’est pourtant ce qui se pratique communément dans un procès pour viol. C’est la victime, et non le violeur, qu’on juge. Pardonnez-moi d’être franche, mais cela s’appelle solidarité masculine, car l’exemple d’une victime transformée en accusée sert à décourager toutes les femmes qui voudraient demander justice à leur tour. Je ne parlerai pas de Fiorella, c’est humiliant pour elle et pour moi de venir nous justifier, de dire, non, Fiorella n’est pas une putain. Et puis une femme a le droit d’être ce qu’elle veut. Je ne suis pas la défenderesse de Fiorella. Je suis l’accusatrice d’une certaine manière de procéder dans les procès pour viol ! »
Pages terribles, implacables, désespérantes.
Simonetta continue son travail de sape avec les décennies suivantes :
Après DOLCE VITA Simonetta Greggio reprend le portrait de l'Italie, qu'elle avait laissé après l'assassinat d'Aldo Moro en 1978.
On s'en serait un peu douté, le personnage central de ce roman, c'est la Mafia, cette pieuvre qui gangrène tout ce qu'elle touche et notamment la politique et ses cohortes de parasites véreux qui, à tous les niveaux du pouvoir, profitent d'un système juteux.
En 1993, au plus fort de l'été, Berlusconi était au plus haut dans les sondages. Celui que l'Europe entière s'accorde à regarder comme un triste pantin, inéligible actuellement, refait surface et menace la démocratie.
Ici comme ailleurs, tant que les politicards ne sont pas six pieds sous terre, ils chercheront toujours à revenir sur le devant de la scène.
Je m'en pourléchais les babines, un livre où la Caïman, le botoxé priapique tiendrait la scène.
J'avoue que je suis resté sur ma faim. Ne voulant sans doute pas dérouler un unique réquisitoire contre un triste sire, Simonetta, que l'on ne soupçonne jamais d'une quelconque Berlusconâtrie, met la pédale douce.
Bien sûr les coups de mâchoires sont bien là mais Simonetta préfère revenir sur l'affaire Moro, cet assassinat d'un homme que l'on pressent juste et droit par des prétendus révolutionnaires.
Dans ce deuxième opus, les faits avérés sont moins présents et le romanesque prend la lumière mais ce vieil adage sur le réel plus fort que la fiction se vérifie une fois encore.
Si la magie n'opère plus tout à fait au même niveau, on reste encore interloqué devant l'alliance contre nature entre un état
"La mafia, c'est le système. Il n'y a pas la politique d'un côté et la corruption de l'autre. C'est le même corps avec ses organes et ses membres, et tout se meut par la volonté d'un seul cerveau."
A vrai dire, c'est plus franc que sous nos contrées.
Simonetta rend un hommage vibrant aux sentinelles expiatoires d'une démocratie en danger : les journalistes et surtout, surtout, les juges, qui tentent plusieurs fois de faire sauter le couvercle.
"Ouvrir la boîte de Pandore signifiait mettre au jour les collusions criminelles entre certaines parties de l'Etat, des sections des services secrets, les branches dévoyées de la franc-maçonnerie, les représentants de l'extrême droite terroristes, des cercles entrepreneuriaux et financiers."
Juges qui sont décimés, implosés avec une régularité macabre.
Simonetta clôt sa trilogie italienne avec un dernier livre dispensable :
Dans les douces collines de Toscane, le Monstre de Florence a sauvagement assassiné sept jeunes couples entre 1968 et 1985. Le principal suspect est mort
en attendant un énième procès et le silence a recouvert toute l’histoire...
Jusqu’au jour où filles et garçons recommencent à tomber, fauchés par un serial killer étrangement semblable à celui d’autrefois. Le Monstre est-il revenu ? A-t-on commis une erreur à l’époque ?
Le capitaine des carabiniers Jacopo D’Orto mène l’enquête. Proche de la retraite, il n’a plus rien à perdre. Dans une course contre la montre, il fouille la fosse où la boue des mystères italiens s’est amassée.
Simonetta s'essaye au polar. Noir, sans sucre et serré.
Le problème est qu'elle n'atteint pas tout à fait le niveau des Ellroy, Pete Dexter et autres...
Et la manie un brin agaçante de son écriture staccato, des mots lancés comme une rafale qui tournent vite à la recette stylistique un poil facile :
"Mais on dirait que la faute vous suit. On paye tout. Où qu’on soit, quoi qu’on ait fui, ça ne s’arrête jamais.
Punition,
Rédemption.
Expiation."
Le problème vient surtout qu'elle gloubiboulgase le bouzin en amalgamant la vraie histoire du monstre de Florence (dont Thomas Harris s'est inspiré pour son Hannibal Lecter), des rituels sataniques obscurs et même Charles Manson...
Le final incohérent fait songer à un mauvais twist et laisse bien trop de questions sans réponses.
Nan les filles, lisez plutôt DOLCE VITA & LES NOUVEAUX MONSTRES qui vous emmèneront dans une Italie loin des dorures et des chef d’œuvres de la Renaissance.
Tout en vous donnant envie d'aller illico arpenter la divine Botte.
Fort. Très fort.
Ah ! Ces Italiens quand même...
C'est pas par chez nous qu'on verrait ça, genre un "suicide" par noyade dans une flaque d'eau...
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