dimanche 24 juin 2018


"Etre une muse est une vocation à plein temps nécessitant du talent ainsi que de la patience et de l'endurance, et présupposant une capacité à inspirer l'artiste de sorte qu'il se concentre sur autre chose que la mort. A cette fin, les muses sont censées incarner le fantasme d’Éros."

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Доброе утро (enfin je crois) les aminches.

Que l'on me montre une révolution qui ne dévore pas ses propres enfants et je regarderai un match de la coupe du monde... 

Je supporterai les analyses fines des journalistes sportifs (un bel oxymore) qui comparent les remplacements des entraîneurs à un mouvement tactique de Sun Tze et son Art de la guerre. Je contemplerai cette indécence à voir évoluer le PIB d'un pays en voie de développement sous la forme de 22 mecs aux choucroutes capillaires improbables qui courent après la baballe. Et ne répétons pas : "ce n'est que tous les 4 ans ça va...". Non ! Il y a l'Euro et les braillements se répètent tous les deux ans et entre on a la ligue des Champions. Ça ne s'arrêtent jamais ces gloussements abêtissants et ces fulgurances de PMU...

Du pain et des jeux, l'opium du peuple et l'addition.

Ce qui nous ramène à ce post, après mon exaspération footballistique. 


Lilia, Tatiana, Elly, Nora : quatre femmes réunies en 1953 à Moscou autour d'un étudiant américain, R. Litzky. 
Elles ont aimé le même homme, l'immense poète russe Vladimir Maïakovski. 
Lilia Brik, volage et envoûtante, son grand amour. Tatiana Iakovlevna, l'aristocrate, la seule qui s'est refusée à lui. Elly Jones, l'âme sœur. Nora Polonskaïa, la belle comédienne. 

Elles pensent toutes connaître ses secrets. Et pourtant, vingt-cinq ans après sa mort, alors que ces quatre muses confrontent leurs souvenirs du jeune artiste tourmenté, les révélations s'enchaînent. Elles dévoilent des détails de plus en plus intimes, charnels. 

Le suicide du poète ne fait qu'épaissir le mystère autour de cette figure emblématique de la Révolution.

Vladimir Maïakovski, l'archétype du poète maudit, l'illustration ultime du cliché de cet artiste concassé par des bureaucrates sans cœur qui ne comprennent rien à la Poésie. Ce Vladimir qui nous fixe de son regard noir tout en haut de ce post.

Robert Littell délaisse ici ses intrigues d'espionnage labyrinthique et kafakaïenne pour se plonger dans la mythologie de la révolution prolétarienne avec la figure tutélaire (et un brin encombrante) de l'enfant chéri de la Révolution, le grand Maïakovski. Littell retrouve ici la veine de son grand livre UNE HIRONDELLE AVANT L'ORAGE  et s'il n'atteint pas tout à fait la perfection de cette HIRONDELLE, il nous donne à lire (une fois encore) un bouquin brillant, frôlant la magistralité. 

Je reconnais bien volontiers que je ne connaissais point ni l'oeuvre, ni la vie de Maïakovski. Et si quelques vers émaillent fatalement les pages du livre, c'est surtout à sa vie que nous nous attachons ici. Une vie qui fut beaucoup dirigée par ses impulsions sexuelles. Maïakovski était un obsédé du cul, toujours en quête d'une muse et d'une amante. Ce sont quatre de ses muses et trois de ses amantes qui hantent les pages de ce livre. 

Par un procédé astucieux, Littell accouche d'un récit polyphonique. Les dialogues savoureux, crus (ce ne sont certainement pas des dames patronnesses : elles n'ont pas froid aux yeux ni ailleurs) de ces femmes magnifiques pingponguent et pirouettent. Les piques se succèdent, délivrent en creux un portrait pas forcément aimable du Poète Iconique. Monstre d'indifférence, égocentré jusqu'au délire, sûr de son génie et de la Cause Bolchevique, se masquant longtemps les errements criminels, génocidaires, de la Dictature du Prolétariat. Quand Maïakoski se forcera à desceller ses paupières, cela ne se fera pas sans drame, ni ce goût affirmé des Russes pour la Tragédie. 

J'avoue que finalement Maïakovski m'a moins séduit que ces quatre femmes, différentes, agaçantes, touchantes, libertines ; d'une sincérité admirable, ne pouvant se défaire d'un artiste aux intuitions géniales, parfois mesquin, rarement médiocre, mais qui n'était presque rien sans elles...

"Toute mort de poète est un meurtre"

Cette phrase de la grande poétesse russe Marina Tsvétaïéva est l'exergue du livre de Littell. Littell qui nous convaincra de cette phrase une fois le livre achevé et posé sur la table de nuit. 

Encore plus si le poète est russe, ai-je tendance à penser, sottement...

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