dimanche 17 mai 2020



On le savait d'ailleurs depuis Hemingway et Faulkner, qui se détestaient cordialement tout en respectant le travail de l'autre en secret : tout écrivain digne de ce nom se pense meilleur que les autres. Et souhaite inconsciemment leur mort.
Or, un bon écrivain est un écrivain mort.

En janvier 1950, Julien Gracq publie un pamphlet redoutable : La littérature à l’estomac. Il étrille le milieu littéraire de son temps où l’écrivain qui réussit n’est pas celui qu’on lit mais dont on parle. Il théorise, 17 ans avant Debord, une société du spectacle livresque où la République des Lettres se complaît dans un quant à soi de services prêtés pour un rendu favorable. Et nous voilà aujourd'hui. Des écrivains chroniqueurs qui chroniquent du vide entre deux livres aussi enthousiasmants qu'un bol d’eau froide.




10 petit.e.s écrivain.e.s sont reuni.e.s dans un monastère.
Frédéric Belvédère
Michel Ouzbek
Amélie Latombe
Delphine Végane
David Mikonos
Kathy Podcol
Tatiana de Roseray
Christine Légo
Jean de Moisson
Et Yann Moite.
Un écrivain meurt, une autrice calanche. 10 puis 9 puis 8... Misère... Le débat littéraire que doit animer Augustin Traquenard est mal engagé.

Ce pastiche de Guillaume Chérel est forcément injuste et méchant. Un jeu de massacre facile où la fine fleur lettrée de la littérature française se fait dézinguer. Un ball trap réjouissant qui ressort d’une provocation ricaneuse.

Oui mais voilà, derrière la pochade point une réflexion souvent juste, acérée, sur des œuvres conçues comme des plans de carrières powerpointés au gros feutre. Peu importe finalement, que parmi les victimes comptent des autrices que j’apprécie, des écrivains dont j’ai aimé les livres. Il y en a aussi que je ne peux guère encadrer. De toutes façons, personne n’échappe à la chevrotine. Pas même Guillaume Chérél. Pardon, Charal : 

- On dirait Guillaume Charal ! s'exclama Belvédère.
- Qui ça ? demanda Yann Moite.
- Guillaume Charal, un illustre inconnu à qui j'ai eu la faiblesse d'accorder un peu de mon attention, à ses débuts, et qui m'a chié dans les bottes au moment de mon manifeste sur les putes. Il m'a écrit une lettre ouverte dans 'Libé' et 'Rue 89'. C'est un auteur pauvre et méconnu qui envie les auteurs comme nous : riches et célèbres.. 

Guillaume Chérel n’est pas tout à fait Julien Gracq, il n’en a nullement la prétention. Il a simplement l’ambition de nous faire passer un bon moment. Contrat d’édition largement rempli, un bouquin vitriolé, bien écrit dans un style direct, sans fioriture, comme un tacle au-dessus du genou. Gentiment acidulée le moment.

Le plus acide est peut-être sa dédicace. Dédier son livre à Izzo, Crumley, Ayerdhal, Harrison etc. 

Voilà le plus cruel in fine.

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire