vendredi 24 avril 2020


Ce sont des histoires sur lesquelles vous devez vous concentrer. Quand vous en trouvez une, quand vous en entendez une, appropriez-vous cette histoire et vous aurez le monde à vos pieds. C’est le meilleur conseil que je puisse vous donner.

C’est quoi un chapitre zéro pour un écrivain ? Ne serait-ce pas quand une idée lui vient, germe et prolifère ? Un écrivain sans imagination n’a pas grand intérêt, pas plus qu’une poupée gonflable sans air. Quel malheur doit s’abattre sur celui qui a une plume taillée au biseau mais rien pour l’alimenter, un grand styliste sans idée, un Yves sans Laurent...


Dans un hôtel berlinois, Maurice Swift rencontre par hasard le célèbre romancier Erich Ackerman qui lui confie son lourd passé, et lui permet de devenir l’auteur qu’il a toujours rêvé d’être.
Quelques années plus tard, Maurice Swift s’est enfin fait un nom ; il a désormais besoin de nouvelles sources d’inspiration. Peu importe où il trouve ses histoires, à qui elles appartiennent, tant qu’elles contribuent à son ascension vers les sommets.
Des histoires qui le rendront célèbre, mais qui le conduiront aussi à mentir, emprunter, voler. Ou pire encore, qui sait ?

Maurice Swift est de cette sorte. Plutôt que s’en accommoder, embrasser la carrière de critique littéraire que sais-je... Il deviendra écrivain, pas celui du dimanche ou du lundi, non, il lui faut la semaine, tous les jours du calendrier. Il deviendra Le Grand Auteur de sa génération, quoi qu’il en coûte, aux autres... Swift va donc s’insérer, s’insinuer, parasiter et piller les histoires de son entourage. Et il escalade Swift ! Dans sa course frénétique au succès, à l’auréole définitive, il s’abstrait peu à peu de l’humanité. Et nous d’assister, fascinés, à sa trajectoire sans scrupule, sans la plus infime présence d’une conscience, de décence.

John Boyne, après ses Fureurs invisibles du cœur, qui m’avaient déjà laissé sur le flanc, arrive encore à surprendre avec ce thriller littéraire, à double fond. Vertigineuse interrogation sur la création, sur la recherche de la consécration. Ecrire pour écrire, sans être lu ? Par le plus grand nombre ? Swift ne l’envisage pas. Et Swift sait écrire, sacrément bien, son problème est qu’il ne sait pas sur quoi !

Ce roman de Boyne, vénéneux et magnétique, fait irrésistiblement songer à Patricia Highsmith (au-delà de son titre) et je m’en félicite, grand admirateur de l’immense créatrice de Ripley que je suis. Il trouve cependant sa propre voix, plus contemporaine, plus poignante. Les scènes marquantes se succèdent, se télescopent. L’interlude convoquant Gore Vidal est remarquable.

On est happé. Comme la limaille sur l’aimant. Impossible de se décoller de ce livre.

Impossible !



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