mercredi 25 juillet 2018


"Kallor dit: " J'ai parcouru cette terre alors que les T'lan Imass étaient encore des enfants. J'ai commandé des armées fortes de cent mille âmes. J'ai répandu le feu de ma colère sur des continents entiers et j'ai siégé seul sur de grands trônes. Comprends-tu ce que cela signifie ?
-Oui, dit Caladan Brood. Tu n'apprends jamais. "

***

Suilannad (en elfique, paraît-il...) frères et sœurs d'armes.

Prenant encore à rebrousse poil mon aversion bien légitime envers une fantasy barbante, je me rapproche de plus en plus d'une traîtrise envers mes valeurs fondatrices. J'ai en effet plongé avec une certaine délectation dans un livre de fantasy, empli de bruits de fureurs, de sorts magiques, de créatures improbables et plurimillénaires, d'épées à deux mains, de dragons...

Saigné à blanc par des luttes intestines, d’interminables guerres et plusieurs confrontations sanglantes avec le Seigneur Anomander Rake et ses Tistes Andii, le tentaculaire Empire Malazéen frémit de mécontentement.

Les légions impériales elles-mêmes aspirent à un peu de répit. Pour le sergent Mésangeai et ses Brûleurs de Ponts, ainsi que pour Loquevoile, seule sorcière survivante de la 2e Légion, les contrecoups du siège de Pale auraient dû représenter un temps de deuil. Mais Darujhistan, la dernière des Cités Libres de Genabackis, tient encore et toujours bon et l’ambition de l’Impératrice Laseen ne connaît aucune limite.

Cependant, il semble que l’Empire ne soit pas la seule puissance impliquée. De sinistres forces sont à l’oeuvre dans l’ombre, tandis que les dieux eux-mêmes se préparent à abattre leurs cartes...

Le parcours éditorial de la décalogie (!) de Steven Erikson, dont LES JARDINS DE LA LUNE constituent le premier tome, fut pour le moins chaotique. En France, tout du moins. En effet, malgré des ventes bien plus que confortables au niveau mondial, plusieurs millions au compteur, la saga du LIVRE DES MARTYRS ne fut jamais entièrement éditée dans l'Hexagone. Seuls les deux premiers opus le furent, aujourd'hui introuvables. Grâce en soit rendue aux Editions Leha de ressortir le cycle, en entier cette fois, c'est promis, à raison de deux par an. En outre, si toutes les couvertures sont ornées d'illustrations de cette qualité... 

Précisons que Steven Erikson a écrit LES JARDINS DE LA LUNE après LE TRÔNE DE FER, on peut donc se lancer dans cette comparaison crispante avec l'oeuvre de Georges R Martin. Oh... Il y a bien quelques analogies. Le glossaire impressionnant de personnages en premier lieu, plus d'une centaine chez Erikson.

Néanmoins, les différences sautent aux yeux. Car si multiplication des points de vues nous avons semblablement chez les deux auteurs, contrairement à la Geste de Martin, il y a unité de lieu et de temps dans le livre d'Erikson. Cela ne signifie pas que ces JARDINS DE LA LUNE ne demandent pas une certaine ténacité. LES JARDINS DE LA LUNE est une oeuvre ambitieuse aussi bien pour l'auteur que le lecteur. 

Erikson nous épargne les scènes d'exposition longuettes, les descriptions minutieuses d'un univers quelque peu dépaysant. Nous sommes d'emblée plongés dans un monde en feu, où les mages de guerre suppléent l'infanterie à coups de sortilèges mortels, de boules de feu ravageuses. Les protagonistes nous sont balancés sans historique, sans l'arbre généalogique adéquat, sans même une description sommaire parfois. 

C'est rugueux. De là, deux choix s'offrent :

  • La flemme. Le n'à quoi bon ? Contemplant la bibliothèque emplie d'autres ouvrages non lus... 
  • On s'accroche. Constatant, ma foi, que cette âpreté peut faire partie du charme comme elle participe parfois de la saveur désaltérante d'une bière bien fraîche. On persévère. On passe outre ces facilités de plume, ces raccourcis un peu incompréhensibles, ces deus ex machina bien pratiques. 
Happé presque malgré moi par la furia de ces batailles entre immortels, dieux pas si omnipotents (qui ressortiraient d'un panthéon gréco-romain, cette Olympe qui intervient sans cesse dans nos affaires), mortels pas si impuissants... Je finis ma lecture sur un sentiment mitigé.

Je le subodore : je devrais me montrer plus sévère. Plus tranché. Plus circonspect envers ces caractères brossés à grands traits, devant cette incapacité à réellement ressentir. Je ne devrais pas oublier cette sensation récurrente, cette impression d'un foutage de tronche généralisé, amplifié paradoxalement par une plume très premier degré, aérienne, simple sans être simpliste.

Mais rien à faire, je suis emporté. 

D'autant plus que les spécialistes l'affirment : ce premier tome est le plus faible. Nous serons récompensés de notre entêtement, par la suite. 

Cela promet...

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