dimanche 26 février 2023

« Ça, pour truander les pauvres, il y avait toujours du monde. »

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1917. Alors que la Première Guerre mondiale fait rage, un homme est retrouvé mort dans une cave du village de Haut-de-Cœur, en Bourgogne. Pas mort d’un excès de froid, de faim ou de vin, comme d’autres, mais proprement égorgé.

Ici, bon nombre des habitants ont grandi sans autre père et mère que les religieuses du majestueux couvent des Ursulines. C’est le cas de l’inspecteur de police Matthias Lavau : recueilli tout petit par le couvent, il est parti faire ses armes à Paris et à Lyon avant de finalement rentrer au bercail. Son talent ? Il se souvient de tout, tout le temps. Une mémoire parfois lourde à supporter, mais dans ses enquêtes, un atout précieux.

La victime aussi est un ancien des Ursulines : Thomas Sorel, bien connu dans les alentours, et presque unanimement détesté… C’est le bras armé du très redouté maire. Beaucoup ont souhaité sa mort, pour des raisons valables, le plus souvent.

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Ah, le joli bandeau. Un fier rectangle jaune clamant « Entre Pierre Lemaitre et Fred Vargas, un polar sombre et envoutant. »

Je suis d’accord avec la deuxième partie. Loin de moi l’idée de jeter la pierre au collègue dont le coup de cœur sert d’accroche aux Malvenus de Audrey Brière. Vous être en train de lire un mec qui a écrit que Les nus et les morts de Norman Mailer se situait quelque part entre Guerre et paix et Apocalypse now ; ce qui, chronologiquement, est factuellement exact.

Lemaitre pour la maestria narrative, le climax première guerre mondiale, Vargas pour les personnages décalés ? À vrai dire, moi qui aie la fâcheuse manie de chercher des similitudes entres les livres lus et la lecture en cours, je me suis laissé porter par le flux dense et maitrisé de ce roman. Je n’en reviens pas. C’est d’une justesse Les malvenus... Certains et certaines, avec leur énième production, me font de la peine en comparaison.

Que dire ? Une intrigue millimétrée, des protagonistes puissamment incarnés, touchants et redoutables, et une écriture au cordeau. Il n’y a pas une once de gras alors qu’on est loin d’un style neutre, à plat ou clinique. Audrey Brière semble retrancher en ajoutant pour traquer la vérité, traque qui anime notre duo d’enquêteur, pour des raisons bien différentes.

Mathias le vacillant colosse et la trompeusement frêle Esther, si dissemblables et si bien accordés. Ces deux êtres aux failles béantes et aux larges talents sont à la manœuvre pour résoudre un meurtre dans ce village confit dans son jus boueux, éloigné des tranchées de 1917 et du théâtre des opérations, sans pour autant échapper au prix à payer à la boucherie universelle.

Ça se bouscule au bout de mes doigts. C’est qu’il y en a des choses à dire sur ses Malvenus.

Je conclurai sur cette météo confuse, cette étrangeté sourde avec l’ombre de ce couvent qui étend son envergure sombre sur toutes choses. C’est presque du Umberto Eco sans l’érudition pénible (‘tain c’est plus fort que moi es raccourcis douteux).

Et merde à la fin, Audrey Brière c’est du Brière Audrey et c’est foutument bon !

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