dimanche 28 août 2022

Traduction : Céline Romand-Monnier

« La théorie d’Odd Rimen était que les écrivains sont terrifiés à l’idée d’offenser d’autres écrivains puisqu’ils savent mieux que quiconque qu’une âme sensible armée d’un stylo n’est pas sans rappeler un enfant muni d’un Uzi. »

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Aucun remède à la jalousie sinon le temps ou la vengeance, à chaud ou calculée.

Autour de Phtonos, longue nouvelle démoniaque dont l’ambiguïté perverse aurait ravi Patricia Highsmith, six récits illustrent la jalousie meurtrière : du raffinement de la bourgeoise hitchcockienne aux atermoiements de l’auteur à succès installé à l’étranger ; de la pulsion primaire de l’éboueur bafoué à la résignation blessée d’une petite vendeuse issue de l’immigration ; de la préméditation froide du photographe d’art raté à la ruse d’un chauffeur de taxi humilié par sa femme.

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Il est coutumier désormais que les littérateurs de la Blanche s’essaye à la Noire et inversement. Chacune ou chacun fait bien ce qu’il veut, les passerelles sont rarement chargées négativement en prévention.

Ce n’est pas toujours concluant cela dit. Plus, me semble-t-il quand un écrivain établi, une autrice forcément sérieuse, s’essaye au polar. C’est que la littérature policière repose sur quelques contraintes. En jouer, les contourner, s’en affranchir presque totalement (presque) n’est pas si aisé. Si les difficultés se multiplient sur la page comme des ronds-points en périphérie, on peut toujours demander conseil à Jo Nesbø.

Je ne suis pas un groupie invétéré de Nesbø. La soulographie de Harry Hole me saoule. La sadisation du personnage confine à un surplace agaçant ainsi que la sensation tenace que la Norvège est l’autre pays de la sociopathie en série. En revanche, quand il s’éloigne de son anti-héros ivrogne chéri, Nesbø me convainc souvent.

Pour son dernier opus, ce recueil de nouvelles policières, Nesbø tourne comme un vautour pervers autour des ravages de la jalousie. Cet enfer mental, ressassant sans fin un tourment qui laisse toute sa place à une imagination débordante et sournoise, est le ressort précis des récits machiavéliques du maestro.

Cette maitrise impressionne. Cette sensation de fluidité, cette mécanique éprouvée, toute en souplesse, qui ne laisse rien voir des pistons et des engrenages qui l’anime. Nesbø est comme Ryan Gosling au début du film Drive, quand il conduit sans à-coups, avec une limpidité évidente. Et puis l’accélération soudaine, le twist qui, même quand on l’a deviné, anticipé, laisse toujours un espace à l’inattendu, à une perversité que n’aurait pas renié une Patricia Highsmth au mieux de sa forme. Avec, en plus, une sorte de complétude, de rassasiement, qu’il arrive à caler en une dizaine de pages.

J’ai bien aimé je crois...

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