dimanche 13 juin 2021

Une perle rare, un être capable de raisonner avec toute la logique scientifique du monde, et aussi sensible à l'invisible que le Petit Prince. Elle analysait le monde depuis ces deux fronts qui s'opposaient en permanence en elle.

Traduction : Anne Plantagenet

Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une formation de profileuse au siège du FBI dans le cadre d'un échange avec Europol. 

L'intuition singulière et la perspicacité dont elle fait preuve conduisent l'agent Dupree à l'intégrer à son équipe, lancée sur les traces d'un tueur en série recherché pour plusieurs meurtres de familles entières. 

Alors que l'ouragan Katrina dévaste le sud des États-Unis, l'étau se resserre autour de celui qu'ils ont surnommé le Compositeur. La Nouvelle-Orléans, dévastée et engloutie par les eaux, est un cadre idéal pour ce tueur insaisissable qui frappe toujours à la faveur de grandes catastrophes naturelles.

Amaia Salazar est une boule sourde de nerfs maitrisés et transpire l’arrogance de celles et ceux qui savent qu’ils ont presque toujours raison, ça passe moins pour les celles que pour les ceux.

Cette jeune femme intègre une équipe de choc du FBI : froisser les égos, naviguer en tant que femme dans un milieu masculin, gagner un respect inévitable, etc. Dolores Redondo réussit à renouveler avec brio ces passages obligés, y apportant une humanité tendre via des personnages attachants, se promenant un trauma plus grand qu’un parking de centre commercial.

La face nord du cœur fait songer à Thomas Harris période Silence des agneaux et repose sur un solide travail documentaire des procédures policières du FBI, de la victimologie et du profilage. Comme Harris, Dolores Redondo nous entraîne, enchaîne, à un jeu de piste démentiel. Il faut dire que le plateau de jeu est dantesque. La Nouvelle Orléans pendant Katrina.

Dolores Redondo vit une bonne partie à La Nouvelle Orléans, cela se sent, elle capte le désarroi, le scandale, la dévastation... La Nouvelle Orléans est plus qu’une scène de crime, c’est quasiment un personnage et l’autrice a le talent d’entrelacer la tragédie de ce qui s’est passé dans son enquête sans que cela ne ressemble à une recension d’épisodes poignants pour poser une atmosphère.

En matière d’atmosphère, Dolores Redondo s’y connaît. Dans sa fameuse trilogie du Baztan, elle posait une vallée brumeuse, emplie de mythes et de magie. C’est un peu cela aussi La face nord du cœur, un mélange audacieux d’une investigation cartésienne et un mysticisme mâtiné de vaudou et de baron samedi sans que le surgissement du fantastique n’accouche d’une solution simpliste.

La face nord du cœur est avant tout une exploration du Mal, cette obscurité qui se niche dans les méandres des cerveaux, qui fait avancer certains hommes, qui les mue et que l’on peine à comprendre mais on doit s’y efforcer, on le doit.

Ce thriller, haletant, qu’on lit comme en apnée, appelle clairement une suite tant un pan de l’histoire est laissé dans l’ombre (qui est la seule au tableau) et je suis d’ores et déjà paré, marque-page dans le holster.

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