« Don Pedro avait dit à son fils que la pêche est à l’image de la vie : une affaire de duperie, d’attente et de chance, ponctuée de nombreux échecs ».
La Frontera, une zone de non-droit séparant le Mexique des États-Unis. C'est là que sévit le Coyote. Personne ne connaît son nom, mais à quoi bon ? Il est le Coyote, tout simplement. Celui dont la mission divine est de sauver des enfants mexicains en leur faisant passer clandestinement la frontière vers la terre promise.
La Virgencita veille sur eux – et sur lui, son guerrier sacré, son exécuteur des basses œuvres. Autour de lui, d'autres habitants de la zone, confrontés eux aussi à la violence, au deuil, au désespoir. Tous résolus à se soulever contre un monde qui fait d'eux des indésirables.
Il paraît que la France est l’un des pays les plus malheureux de la planète. Nous formerions une nation de dépressions latentes se mouvant dans des corps se pressant d’un couvre-feu à l’autre, travaillant et consommant. Le succès de la série En thérapie ne tient pas peut-être pas seulement à sa qualité intrinsèque (et indéniable).
Je me demande où le Mexique se situe dans ce classement, si
ce classement a une quelconque valeur d’ailleurs : le malheur est portatif
et inaccessible à une rationalisation clinique. Parce que le Mexique, putain, c’est
un pays magnifique, d’une histoire étourdissante, gangréné par les Cartels. Et
les USA à deux jets de pierre, d’une rafale. Les Etats-Unis jouxtant le Mexique,
c’est un peu une fontaine d’eau fraiche dont les assoiffés ne profiteraient que
de rares gouttelettes.
Cette injustice, cette chierie d’être né quelques centaines
de kilomètres trop au sud, Gabino Iglesias s’en empare dans son denier livre,
aussi sec, âpre et dense qu’une tequila paf à laquelle on aurait ôté le sel et
le citron.
Déjà présent dans son précédent opus (le hautement
recommandable et inflammable Santa Muerte), le mysticisme mexicain, son rapport
à la mort, direct, allant de soi, imprègne les pages de son roman ramassé,
concentré de vies ravagées, de tragédies et d’horreur à venir et qui adviennent.
Gabino Iglesias, musculeux, aux avant-bras propres à
soulever de la fonte et déloger des mâchoires, a la plume paradoxalement délicate,
tendre et poisseuse de sang. Les amateurs de feel-good, les amatrices de
mantras rédempteurs, vous guidant sur la résurrection d’une vie réinventée ou du
moins un petit-déjeuner réussi, y trouveront peu de motifs de réjouissance.
C’est comme un coup de genoux réussi dans les joyeuses ce
livre, c’est inattendu et ça coupe le souffle.
Les lamentations du coyote ressemblent à ces récits choraux
dont on attend la conjonction des trajectoires mais le temps est trop compté, ces
existences se brisent net avant de se fondre.
Percutant.
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