"L’Humanité avait disparu, et les automates — son peuple — erraient comme des âmes damnées sur la terre inhospitalière qui leur avait donné naissance"
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Avé les aminches.
Je ne sais si vous avez noté mais il y a comme un revival de l'intelligence artificielle en ce moment. Panacée universelle aux maux humains. "Comment réduire les coûts de la retraite par répartition ?" Paf IA. " 'Tin qu’est ce qu'on mange ?" Bam IA.
Ça fait envie je trouve. Le comble de la tartuferie revenant à Elon Muk, le startuper en vogue qui prône la méfiance envers les IA qu'il développe lui même pour les militaires. A ce niveau, tu peux tourner 8 fois dans ton sloub sans toucher l’élastique.
En outre, une IA a balayé le champion mondial du go, jeu de stratégie hyper complexe faisant passer les échecs pour une course de petits chevaux.
Bref ça fouette du fondement.
Moi je sais. Il n'y qu'à bien borner le bouzin. Installer une soumission à l'homme, indissociable du logiciel, incrustée dans la puce. Les lois de la robotique d'Asimov comme seul ligne de programme : un Carcan.
Cela fait, il n'y aucune raison que cela parte en coude, pas vrai..?
Dans un futur lointain, l’espèce humaine a succombé à l’Hécatombe. Reste, après l’extinction, un peuple d’automates intelligents, métamorphosés en immenses nefs stellaires.
Orphelins de leurs créateurs et dieux, esseulés et névrosés, ces princes et princesses de l'espace attendent, repliés dans l’Urbs, une inéluctable invasion extraterrestre, à laquelle leur programmation les empêche de s’opposer.
Plautine est l’une d’eux. Dernière à adhérer à l’espoir mystique du retour de l’Homme, elle dérive depuis des siècles aux confins du Latium, lorsqu’un mystérieux signal l’amène à reprendre sa quête.
Elle ignore alors à quel point son destin est lié à la guerre que s’apprête à mener son ancien allié, le proconsul Othon.
Un space opéra.
De la SF.
Française !!!!
C'est rare. Aussi rare qu'un fou rire de Vladimir Poutine.
Pétri de la philosophie de Leibniz et du théâtre de Corneille, Romain Lacuzeau s'essaye à un genre délaissé sous nos latitudes quand il n'est pas un brin méprisé par les tenants de la littérature blanche.
Car si le polar a su se frayer un chemin pavé de hits éditoriaux, la SF est un poil à la ramasse, malgré de talentueux auteurs : Thomas Day, Roland Wagner etc.
Lacuzeau ne fait pas les choses à moitié, deux bon gros pavés juteux, ras la timbale de références pointues, de batailles épiques et de complots tortueux.
LATIUM se fait beaucoup comparer.
Asimov tout d'abord, car les automates, IA à la puissance de calcul phénoménale, immortelles, mais aux limites de la folie car désœuvrées et sans but, ne peuvent combattre et tuer des être vivants. Comment repousser une invasion extra terrestre certes mais organique ? Lacuzeau, comme papy Isaac, s'amuse à jouer à la marge du Carcan et propose une solution élégante et l'une des plus belles trouvailles de son oeuvre qui n'en manque pas : le peuple chien.
Dan Simmons et son écrasant HYPERION ensuite par l'ampleur de son intrigue. Lacuzeau ici n'atteint pas tout à fait le niveau de son illustre devancier. Néanmoins, nourri d'antiquité latine et grecque (Lacuzeau connaît ses Lettres), LATIUM déroule un récit épique, parfois alambiqué, sinueux mais finalement prenant.
"Même après sa disparition, l'Homme imposait toujours ses règles - celles qu'il avait inventées dans un passé lointain, bien avant l'âge industriel, dont il ne restait que des fables. Depuis que la Louve avait allaité les deux frères fondateurs, la civilisation avait suivi ce principe immuable de succession entre les deux seuls régimes possibles, l'Imperium et la Res Publica. Rien d'autre n'était envisageable."
Finalement, car il faut s’accrocher les filles, ce n'est pas de la SF mainstrean. On en est cependant récompensé, surtout par le deuxième tome, plus linéaire, et par un dénouement somptueux et carré.
Enfin Iain M Banks, et son cycle de la Culture, inévitable quand on songe à ces majestueuses nefs de plusieurs kilomètres fendant le vide sidéral. Comparaison n'est pas raison comme dit loutre : autant le style de Banks ironique, sarcastique semble parfois se moquer de son propre univers, pas dupe le Iain ; autant Lacuzeau écrit très premier degré, avec un sérieux papal, quelquefois pesant.
"La Voie lactée. Vaginum gentium, la matrice des peuples, et la source du danger. D'ici, presque de l'extérieur, cela ressemblait à un réseau cristallin de points brillants, d'une beauté stupéfiante et glacée. L'Humanité avait grandi à la bordure tranquille de la Grande Spirale, où les étoiles demeuraient rares, et l'énergie contingentée. Sur cette grève, au-delà de laquelle il n'y avait que le désert froid entre les super-amas galactiques, l'Homme avait pu prospérer à l'abri du danger. Mais les signes, subtils, ne trompaient pas. La vie foisonnait, là-bas, vers le bulbe central, baignée dans un déluge continuel de radiations nourricières. De grandes batailles éclataient parfois, étendues sur des volumes de mille katétophotès d'arête, mettaient en jeu des explosions capables de souffler des soleils entiers. Les peuplades se dévoraient entre elles, jusqu'à ce que le plus puissant chasse les autres de son nouvel espace vital, ce qui les forçait, eux aussi, à se ménager une place par les armes, et ainsi de suite. Le processus qui avait mené les barbares à entamer leur migration vers l'espace posthumain avait pu démarrer des centaines de milliers d'années auparavant, et mettre en jeu un nombre invraisemblable d'espèces. La terreur et la violence se propageaient ainsi, de civilisation en civilisation, chacune repoussant les suivantes, jusqu'aux bords même du monde."
Hop hop hop, les aminches, je vous ai vus sauter ce paragraphe !
Mais foin de toutes ces analogies douteuses, Romain Lacuzeau a sa propre plume.
L’esprit de sérieux qui imbibe son encre, fait que l'on y croit ! L'on suit avec un intérêt croissant et in fine dévorant, l'épopée de ces IA livrées à elles mêmes qui cherchent un but, un moyen de ne pas sombrer dans la folie computationnelle.
Mine de rien, Romain Lacuzeau a crée un univers cohérent. Son livre foisonne, peut-être un peu trop, il serait paradoxalement trop ambitieux.
Mais je préfère trop d'ambition à pas assez.
En littérature.
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