lundi 18 septembre 2017


"Vous m'avez tant donné, n'est-ce pas ? On m'a laissé tant de chances.Tant de personnes se sont occupées de mon cas : des profs, des assistantes sociales, des éducateurs, des psychologues, des juges, et tout l'arsenal de la bonne conscience poisseuse qui tartine les "cas" comme moi. Mais vous me laisserez penser qu'il n'y a rien de naturel à apprécier la bonté quand elle ne vous est pas destinée. Votre charité ne m'est pas destinée, je l'ai toujours su. On cache les monstres que l'on crée. Alors oui, je suis devenu de ces cramés qui prennent du plomb dans la tête qu'avec de puissantes détonations. Il en faut bien qui meurent, sinon qu'écriraient les journalistes, que raconteraient les politiques, que penseraient les gens, les honnêtes citoyens que les premiers veulent comme lecteurs et les seconds comme électeurs? Je suis une arme politique, et on m'a fabriqué pour exploser au bon moment. Les armes ne sont pas faites pour aimer."

***

Bonjorn les aminches. 

Coma vai ?

Et... J'arrêterai là car le patois moi... Serait-ce le provençal.

Il y a quelque temps déjà, au temps de ma jeunesse qui s'envole irrésistiblement, je contemplais un paysage de montagne magnifique avec un pote qui assénait "c'est quand même le plus bel endroit au monde non ?"

Ben... Je n'en sais rien vieux.

J'ai un peu mal avec cela, le régionalisme qui te fait considérer ton caillou plus lustré que celui de ton voisin.


Evidemment le poto ne l'entendait pas dans ce sens...

Nous ne ferons pas non plus reproche au journaliste Philippe Pujol de magnifier sa ville : Marseille.

Sous son ciel bleu, Marseille est un vrai jeu de domino. 
Noir. 
Blanc.
L’économie de survie pousse le marché noir.
Qui alimente les trafics d’armes et de drogue.
Qui nourrissent la corruption immobilière.

Qui vit du clientélisme électoral.

Qui fabrique les petits malfrats, des minots de vingt ans, qui vont s’entretuer ensuite…

Au bout du compte, ces facteurs ouvrent un boulevard au Front National.


Philippe Pujol est un journaliste marseillais, ancré dans sa ville. Déjà primé pour ses chronique sur le trafic de shit qui hante les quartiers nord de Marseille, il enfonce encore un peu plus sa plume dans la plaie.

Et ça fait mal. 

Marseille est une passion française. Discutons de Marseille autour de nous et les avis se trancheront au hachoir. 

"Sale", "dangereuse", "je n'y mettrai jamais les pieds, on se fait braquer son smartphone/sac à main" etc...

"Marseille c'est la bella vita", "le vieux port 'tin !" et la "Cannebière !"

La vérité, comme toujours, est à la fois dans les clichés et hors les bords plastifiés de ces polaroid.

Je ne connaissais pas Marseille avant de rencontrer ma douce. Je n'en avais eu que la vision de ces quartiers nord qui la bordent, si proches et si loins.

Je ne me suis jamais senti en danger à Marseille, je n'ai jamais entendu de rafales de Kalach' en guise de bienvenue mais je ne me suis jamais promené dans les arrondissements problématiques. 

La Cannebière ne ressemble à rien, une rue banale et anonyme. 

Le Vieux Port en revanche... Une rénovation réussie et un rattachement du fort Saint Jean au musée MUCEM de toute beauté. 


Pujol, ce n'est pas tant la ville qui l'intéresse mais le système Marseille qui l'irrigue et la pollue.

Son livre haletant, se lit comme un polar, documenté, précis et argumenté.

Pujol plonge dans le clientélisme marseillais qui l'a porté à un niveau rarement atteint. Tout à Marseille se dénoue d'une fait d'une relation, il n'y a guère que dans les trafics et braquo que l'on peut se tailler une part sans quémander la pelle à tarte. 

Le récit que fait Pujol de ces caïds de quartiers, leur famille désemparée est saisissant et à vrai dire un brin désespérant. Évitant soigneusement le misérabilisme (ou l'angélisme autre mot à la mode) que postillonnent les éditocrates en place dès que l'on tente une explication sociologique à une violence qui semble pas mal sociale quand même, Germaine, quand même un p'tit peu...

"On est dans une société ou tout passe par le classement. Or, ces jeunes-là sont derniers partout. Quand ils passent à l'acte, ils ont l'impression d'être dans une trajectoire de réussite" observe Sofiane Majeri, animateur emploi (...) le plus grand handicap vient du ghetto scolaire. Dans un même établissement s'accumulent les élèves concentrant les plus grandes difficultés scolaires et familiales. Tout simplement parce que les parents qui ont l'espoir en l'école et qui en ont les moyens financiers placent leurs enfants dans d'autres écoles, en contournant la carte scolaire, ou en les inscrivant dans l'enseignement privé qui bénéficie à Marseille, des largesses du Maire, Jean-Claude Gaudin. Celui-là on ne l'aperçoit dans les quartiers nord que lorsqu'il s'agit de couper de rares rubans."

Gaudin qui ramasse comme il faut dans le livre de Pujol. Décrit comme le plus rusé du Marigot, endormant ses adversaires avec une démarche bonhomme et fatiguée, un accent chantant, Gaudin se fait élire sans trembler et gouverne à vue.

Les yeux braqués sur les zones touristiques et chantantes de la capitale provençale. Il s'en cogne les rognons quelque chose de bien de sa population paupérisée le brave maire : ce ne sont pas des électeurs.

"Tant qu’ils se tuent entre eux, ce n’est pas grave, a plusieurs fois glissé Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille."

Et les socialistes; Les Guerini. Qui ont complexifié (et rentabilisé) le bouzin à un tel point que c'en est presque poétique. On s'y perd un brin dans les pages où Pujol décortique le système mis en place où la moindre faveur se monnayent cash.

Et la misère omniprésente, suintante, la scène où des gamins récoltent des cafards dans leur HLM pour en infester un autre immeuble que l'on veut déclarer insalubre pour quelques opération immobilières opaques et juteuses.

Un mélange explosif de magouille, d'impunités (Pujol le dit si bien en disant qu'il va reparler des voyous, enfin ceux des cités, ceux qui vont en prison), de violence, de clientélisme effréné...

Comme ailleurs 'tin !!!

C'est ce que l'on pourrait rétorquer à Pujol, lui reprocher un Marseille bashing reccurent.

Bon...

Outre que Pujol enquête sur Marseille, sa ville, il lui reconnait de nombreuses qualités. Marseille est une ville où l'on se parle. La tchache... Et oui, l'on retourne à l'intérieur du cadre plastifié.

"Dans la région parisienne, le chef, s’est le plus costaud, le plus violent.
………………………………………………………………………..

Alors qu’à Marseille, le chef, c’est celui qui a le baratin, l’emboucaneur, le tchatcheur. Dans le rap, c’est pareil : eux, ils ont Booba, nous, on a Soprano"

Ce dialogue heurté, violent, de sourds parfois, empêche néanmoins une trop grande radicalisation des quartiers. 

Et puis, après tout, si on le voit ce système, dans toute son iniquité, c'est que tout c'la se fait au grand jour, sans se cacher, presque avec candeur.

Enfin, que serait la France sans Marseille ?

"La violence, la drogue, l'affairisme, les magouilles, la corruption, le béton, l'élection, le racisme... Pour la France et d'autres pays qui s'intéressent à nous, Marseille est une aventure à elle seule, sans avoir besoin de voyager. Elle constitue aussi une sorte de soupape de sûreté pour libérer la pression trop forte des problèmes refoulés dans l'Hexagone.
Comme si elle était seule, comme si elle était l'exception, comme si il fallait accepter, fataliste, la figure du monstre.
"C'est pas pareil, c'est Marseille."
Pourtant non, la plus jolie ville de France ne cache pas ses blessures. Elle est sincère. C'est tout.

Cette ville n'est tout simplement que l'illustration des malfaçons de la République française."

La plus jolie ville de France ?

'Tin... J'en sais rien...

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