dimanche 3 juin 2018


« J’ai une histoire à vous raconter. Elle a plusieurs débuts et peut-être une seule fin. Ou peut-être pas. Les débuts et les fins sont des artifices contingents, des inventions. Où les histoires commencent-elles ? Il y a toujours un contexte, une épopée plus vaste dans laquelle s’inscrit l’intrigue. A moins bien sûr de débuter chaque récit par : "Bang ! Expansion ! Ssss…" et de raconter en détail la naissance de l’univers jusqu’au moment où débute l’aventure qui nous intéresse. De même, aucun dénouement n’est final, sauf à considérer qu’il est la fin de tout…

Quoi qu’il en soit, j’ai une histoire à vous raconter. Le rôle que j’y joue est tellement infime que je n’ai pas jugé nécessaire de me doter d’un nom propre. C’eût été présomptueux de ma part. Néanmoins, j’étais là. Au tout début de l’un de ses commencements. »

***

Salutations les aminches. 

Je ne vous présenterais pas à nouveau l'écrivain britannique Iain M Banks, je l'ai déjà fait ici, ou , encore un peu ici, et aussi tient, j'allais oublier. 

Iain M (on ajoute le M quand Iain science-fictionise) Banks, immense auteur, trop tôt disparu, qui nous donna le cycle SF de space opéra, La Culture, monumentale master piece qui renouvela le genre et lui insuffla un ton pince sans rire, une inventivité débridée et déboucha sur quelques chefs d'oeuvre. 

J'ai bouclé le cycle de La Culture, il me reste donc à explorer les autres facettes de l'oeuvre Banksienne. Après son premier livre (et coup de maître), je me suis attaqué à un énième space opéra, indépendant de l'univers de La Culture, une épopée galactique, en tout cas vendue comme telle. 

Pour les humains, et les autres races à la vie brève, la galaxie est un endroit dangereux où règne une paix précaire. Un réseau de trous de ver artificiels sert à voyager entre les étoiles. Il est maintenu sous la férule de la Mercatoria, qui s’efforce de gérer les équilibres entre espèces. Par contre, pour les Habitants, ces formes de vie quasi-immortelles apparues peu après le Big bang, la seule chose qui importe, ce sont les géantes gazeuses où ils vaquent à leurs affaires. Le reste n’est que débris épars…

Afin de sauver son système solaire menacé par la flotte de l’Archimandrite Luseferous, le jeune Fassin Taak doit plonger dans l’atmosphère de la géante Nasqueron, à la recherche d’une très ancienne formule, d’une clé détenue par les Habitants depuis des millions d’années. Mais ceux-ci, joyeux anarchistes avides d’informations en tous genres, ont un sens de l’humour très particulier, des habitudes déplorables comme celle de chasser à mort leur propre progéniture, et il se pourrait bien qu’ils dissimulent plus d’un secret.


La quête désespérée de Taak le conduit d’un bout à l’autre de la galaxie. Pendant ce temps, la flotte monstrueuse de Luseferous se rapproche de Nasqueron. Mais la guerre cesse d’être une activité prévisible dès que les Habitants y sont mêlés…

Banks s'est donc éloigné de La Culture pour ce livre. Pas pour le meilleur. Je suis un inconditionnel de Banks, je l'ai panthéonisé et c'est cette inconditionnalité, ce fan service, qui m'a permis de conclure ce pavé. 

Il faut bien l'avouer, ce n'est pas bien terrible cet ALGÉBRISTE Il lui manque ce qui faisait l'une des forces de Banks, l'équilibre. Une balance intraitable entre un style à la limite de l'ampoulé, une imagination frénétique, une attention portée aux personnages et un humour absurde, décalé.

Ici, on a soit un peu trop de ci et pas assez de ça. Ainsi, Banks y va gaiement dans sa description de Nasqueron, de ces Habitants qui ressemblent à des essieux de remorques. C’est assez jouissif, au début, puis Iain s'égare. Il allonge et on n'en finit plus de suivre Fassin Taak dans ses pérégrinations galactiques et longuettes. 
Plus grave, Banks sacrifie ses personnages, le destin de deux d'entres eux est expédié à la va vite en quelques pages abruptes. Pire, il occulte le devenir d'un de ses protagonistes, il l'oublie et nous laisse quelque peu sur notre faim.
Enfin, la mécanique, jusque là parfaitement huilée, se grippe : les flashbacks, la multiplication des points de vue, cette Rasomon's touch, ne s'insèrent plus aussi souplement dans une trame plus lâche que d'habitude.

Bien sûr, on aperçoit encore le grand Banks, avec ses descriptions hallucinées, son big méchant délicieusement caricatural, son humour parodique, sa façon de nous susurrer que tout cela, ses presque 800 pages ne sont pas à prendre au sérieux.

Bien reçu. Le problème est justement là, il nous le susurre bien trop.

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