lundi 18 février 2019





"On réalise quelque chose. Plus tard, la même chose est réitérée d’une toute autre façon ; mais le fait demeure identique. Quelque soit celui qui élabore la démonstration, quelle que soit l’époque, qu’il s’agisse de gâteaux ou de parcelles, on obtient toujours la même réponse. Ces vérités semblent venir d’un autre monde, d’un autre niveau d’existence. Il est difficile de ne pas croire que cet autre monde a en un sens une existence tangible, qu’il n’est pas uniquement issu de notre imagination !"

***

Bien le bonjour les aminches.

Comme toutes activités humaines, la lecture accumule les expériences. Elle se nourrit des pages feuilletées, des livres ouverts. Aussi bien pour ceux que l'on a terminés que ceux pour lesquels nous avons renoncé. 

Je persiste rarement quand un livre m'ennuie ou m'indiffère, voilà le défaut rédhibitoire. En revanche, que le bouquin soit récalcitrant, peu aimable, n'est pas nécessairement un obstacle si la récompense est au bout des lignes. 


"Fraa Erasmas est un jeune chercheur vivant dans la congrégation de Saunt-Edhar, un sanctuaire pour les mathématiciens et les philosophes.

Depuis des siècles, autour du sanctuaire, les gouvernements et les cités n'ont eu de cesse de se développer et de s'effondrer. Par le passé, la congrégation a été ravagée trois fois par la violence de conflits armés. Méfiante vis-à-vis du monde extérieur, la communauté de Saunt-Edhar ne s'ouvre au monde qu'une fois tous les dix ans. 

C'est lors d'une de ces courtes périodes d'échanges avec l'extérieur qu'Erasmas se trouve confronté à une énigme qui n'engage rien de moins que la survie de toutes les congrégations. 

Ce mystère va l'obliger à quitter le sanctuaire pour vivre l'aventure de sa vie. Une quête qui lui permettra de découvrir Arbre, la planète sur laquelle il vit depuis toujours et dont il ignore quasiment tout."

J'assume, sans fausse modestie, une étiquette de lecteur SF niveau baroudeur puissance 15. J'ai fini, sans trembler (non sans bailler) le pensum métaphysique L'EMPEREUR-DIEU DE DUNE de Frank Herbert. J'ai vaillamment achevé RADIX, le roman d'Alfred Angelo Attanasio. J'ai même, suprême épreuve, supporté l'arnaque littéraire, jusqu'à l'ultime goutte d'encre, qu'est L'OMBRE DU SHRANDER de John M Harrison . 

Alors ça va hein... Je mérite mes points de vie !

En outre , j'étais prévenu, tout le monde s'accordait à dire que le masterpiece de Neal Stephenson était âpre, d'un abord ingrat. Les blogs fleurissaient de mises en garde et de conseil de persévérance, le jeu en valant la dentelle... Je goguenardisais dans mon coin. Oui c'est ça... Je ne suis pas un lapin de Mayenne qui serait né de la dernière suie. Vont voir...

J'ai vu.

Effectivement...

Il faut s'enquiller les 200 premières pages. Au bas mot. Il faut accepter de barboter dans une mer inconnue, sans brassières. J'ai rarement ressenti un tel décalage entre un vocabulaire usuel et l'usage qui en est fait dans un livre. Sans compter le vocabulaire qu'invente Stephenson. Qui nous est donné brut de pomme. Surtout que l'auteur fait le pari de miser sur notre ténacité : ni lexique, ni glossaire ne sont fournis avec le premier tome. Nous n'avons que le contexte et les références à une encyclopédie fictive, ponctuant chaque début de chapitre d'une définition, pour nous faire une idée.

C'est quelque chose. 

Et puis... Ces 200 (à la louche) premières pages décantées, tout prend sens, tout s’emboîte. Et un sentiment d'admiration littéraire peut légitimement nous imbiber le lobe frontal adéquat devant la maîtrise de Neal Stephenson.

La suite déroule un récit plus classique, un road movie plaisant et mouvementé qui s'appuie sur des personnages bien campés, attachants. Stephenson ne les sacrifie pas sur l'autel de la complexité de son livre, livre qui multiplie les envolées philosophiques les expériences de pensée, les scènes proprement hallucinantes. Là est sa plus grande réussite.

Et une résolution finale qui tient la route et nous laisse un brin émerveillés... Avec la sensation d'avoir lu un ouvrage qui compte et comptera dans la littérature de l'imaginaire. 

Certes, on songe à un NOM DE LA ROSE alien, à un CANTIQUE POUR LEIBOWITZ métaphysique, mais ANATEM se suffit à lui même et nul doute que c'est lui qui fera référence à l'avenir. 

Bluffant...

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