dimanche 26 janvier 2025

Traduit du lituanien par Marielle Vitureau

« L’être tout juste né n’a que faire de sa nationalité... Il veut manger... Ensuite, il commence à se souiller... À crier, exiger... De la nourriture, de l’air, de l’attention... Le défunt n’a que faire de sa nationalité, il n’exige plus rien. Il n’a pas plus d’égard que ce qu’il a mérité durant sa vie. La valeur que les autres lui attribuent... Six planches et une poignée de sciure. »

***

Lituanie, 1941.

Vincentas, photographe, conclut un pacte morbide avec un officier SS : en échange de sa sécurité et de la femme juive qu’il aime, Judita, il photographiera les massacres de juifs dans les villages et les forêts de sa patrie occupée.

Vincentas devient alors et malgré lui, le témoin de l’assassinat massif des juifs, et se transforme en observateur qui ne peut rien changer ni aider personne

***

S’il est livre qui n’est pas en pénurie, c’est celui qui est nécessaire. Il y a floraison de livres nécessaires, obligatoires, indispensables. Je m’interroge, qu’est ce qui fait le nécessaire ? Le sujet ? Le style ? La conjonction des deux plus sûrement.

Je me méfie du nécessaire. Je n’y peux rien. Je hume l’injonction. La prescription lycéenne, universitaire, la liste à lire pour être une lectrice accomplie, un lecteur digne.

Alors un livre relatant l’extermination des juifs lituaniens durant la seconde guerre mondiale, 94 % de la population annihilée, avec l’aide active des citoyens d’une Lituanie revancharde ; ça fleure le nécessaire à chaque paragraphe.

Et de me prendre un frontal envoyant valser les gencives de mes préventions (j’ai l’habitude). Oui, Ténèbres et compagnie est un livre nécessaire. Surtout... C’est un grand livre.

On a presque la sensation d’escalader l’Everest sans les files d’attentes et les papiers gras jonchant les cimes. On lit en apnée, l’oxygène venant à manquer, on se prend à halluciner. Sur un chemin de crête, Sigitas Parulkis funambulise entre l’insoutenable et la démence grotesque.

Ténèbres et compagnie n’est pas un livre de survivants, si l’enveloppe corporelle demeure fonctionnelle, l’esprit est mort. Ce qui vaut la peine de mouvoir cette carcasse est amputé.

Ténèbres et compagnie côtoie La fabrique des salauds et Les bienveillantes, conservant sa spécificité, son histoire, son angle d’attaque.

Un roman d’amour, de mort et de folie.  

Dense, impressionnant et nécessaire.

Au temps pour moi.

26 Jan 2025

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