La récompense

Traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias

« Ces histoires sont celles du Patient X dans l’un de nos châteaux de fer. Il les raconte à tous ceux qui ont le temps de l’écouter et de lui prêter une oreille attentive. »

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Patient X est un texte à part dans l’œuvre de David Peace, né du culte qu’il voue à l’écrivain japonais Ryonosuke Akutagawa, à qui il rend un hommage intense, passionné et obsédant. 

Nourrie des écrits et des lettres du maître de la nouvelle (connu en particulier pour "Rashomon", dont s’est inspiré le grand cinéaste Akira Kurosawa), ce n’est pas une biographie comme les autres, mais un recueil d’histoires littéralement hantées, une plongée dans l’univers sombre et envoûtant d’Akutagawa, par l’un des plus audacieux écrivains britanniques contemporains.

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David Peace, après une période anglaise (sa tétralogie du Yorkshire laisse une empreinte au fer rouge aux synapses, l’est dangereux cet homme) vit et travaille depuis de nombreuses années au Japon. Il a commis une trilogie Tokyoïte que je considère comme l’un des sommets indépassables de la littérature noire s’il faut y adjoindre un adjectif.

Ce roman n’en est pas un, pas au sens propre. David Peace fait rarement dans le sens propre. Nous lisons plutôt la biographie éclatée, labyrinthique et tragique du prodige de la littérature nippone Ryunosuke Akutagawa. Né d’une mère démente, tourmenté par la folie héréditaire, il se suicidera à 35 ans, non sans nous avoir laissé de merveilleuses nouvelles dont la plus connue est sans conteste Rashomon. 

Mis en péloche par l’immense Akira Kurosawa. Pas tout à fait. C’est mon moment je me la pète mais Kurosawa n’a fait qu’emprunter le titre et le lieu de la nouvelle, le film est en réalité l’adaptation d’une autre œuvre de Ryunosuke : Dans le fourré. Fin de la parenthèse. 

Je ne connaissais pas Ryunosuke Akutagawa, je n‘en savais que le film de Kurosawa. Je suis en train d’y remédier. L’une des forces insignes du livre de David Peace est de donner une irrésistible envie de découvrir Ryunosuke. 

Dans ce livre-là, Peace défie nos attentes. Imaginons des chapitres bien ordonnées, plaqués sur une galerie de glaces disposées dans un alignement parfait... Peace est un détonateur qui pulvérises les miroirs et nous d’en lire les fragments tels qu’ils se présente après le blast. Mais c’est une image ô combien trompeuse, car l’on devine la construction rigoureuse et légère via une plume dense comme le plomb changé en or, aérienne comme une plume prise dans un tourbillon. 

David Peace est un immense écrivain. Chaque attente entre ses livres est douloureuse, chaque découverte de ces derniers est une récompense. 

Les livres de David Peace n’ont rien d’inoffensifs, sachez-le. Ils sont de ceux qui vous hantent.