Séquençage d'un lynchage

Traduit de l’anglais par Marcel Duhamel et Jacques-Laurent Bost, heureusement révisée par Michael Belano

« Soudain il poussa un cri sourd, chevrotant. Un cri plus terrible que tous ceux qu’il avait poussés jusque-là ; un gémissement assourdi qui domina tous les bruits qui remplissaient la grange. Aucun de ceux qui entendirent ce cri ne pourraient jamais l’oublier tout à fait. Il se grava dans les mémoires, s’y couva comme une étincelle dans une bûche pourrie. »

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Mallsbury Crossing, aux États-Unis, est une petite ville de pêcheurs et Jim Young un jeune Noir sans histoires. Mais le gallon d’alcool qu’il achète et avec lequel il se saoule méthodiquement va le mener sur le chemin de l’enfer.

Le meurtre d’une prostituée blanche transforme bientôt la population en une horde de sauvages qui s’empare du meurtrier pour lui faire expier son crime.

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Dans ce saisissant roman, nous ne sommes pas en Louisiane, Virginie du sud ou n’importe quel état sudiste où les branches les plus solides semblent promises à une corde et un noir se balançant à son extrémité. Don Tracy a eu l’idée lumineuse de situer son intrigue dans une petite ville de pêcheurs, noyée dans la bruine. Une ville de travailleurs, de forçats et de taiseux. 

Ce que nous dit Tracy est que peu importe la géographie, la localisation, être noir aux USA est toujours un danger.

Mais Don Tracy va au-delà d’une dénonciation, d’un rageur « plus jamais ça ! ». Non il montre que la bête sommeille en chacun de nous et que rien ne vaut une foule pour la réveiller. Ces gars du coin veulent montrer qu’eux aussi savent mater leurs nègres. Le gars de New-York, désirant s’intégrer, est le premier à battre l’estrade et à attiser la haine. Les femmes quand elles ne participent pas motivent, stimulent.

Même ce pauvre Jim, complètement torché, a bien tué. Le maïs fermenté a ravivé sa bête. La victime blanche était en route pour faire chanter un homme qui l’avait aimé. Ce même homme qui atteindra des sommets de lâcheté et de déni. Les communistes, idéalistes combattants des droits civiques, se coucheront devant la folie collective. 

Personne n’est innocent ou tout le monde est coupable à divers degrés. La justice en fait les frais et le vernis de la civilisation s’écaille. Nous ne sommes que des bêtes, en sommeil, un sommeil fragile...

Voilà un bouquin qui ne laisse pas indemne, faisant passer certains livres de cette RL pour d’aimables sucreries.