jeudi 18 avril 2024


« Tous ces hommes qui étaient revenus d’endroits où l’on apprend ce que veut dire être seul auraient avisé les jeunes qu’on ne s’aventure pas au creux d’une forêt [...]. »

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Non loin du village de Rivière-Brûlée, trois adolescents, Judith, Abigail et Alexandre, partent camper dans la forêt. C’est l’été, ils se réjouissent de passer ces trois jours au grand air loin de leur famille. Le premier jour est idyllique. Le soir, à la veillée, ils se racontent des histoires de fantômes et jouent à se faire peur.

Mais le lendemain, au retour d’une baignade dans la rivière, ils ont la nette impression que leurs affaires ont été déplacées. Ils sentent comme une présence autour d’eux sans pouvoir vraiment en identifier l’origine. 

Peu à peu, leurs peurs se concrétisent de la manière la plus effrayante. Et la nature exubérante se fait hostile quand leur vie est en jeu…

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Crisse, calisse, tabernacle... C’est mignon. Ce québécois chantant, imagé, cet accent délicieux ...

Non ?

Non !

Andrée Michau n’écrit pas joli, ni charmant. Sa plume n’a rien d’aimable. Sa vision du camping adolescent est plus proche de Délivrance qui poserait sa tente le Vendredi 13 que... Ah ça ne me vient pas tient un camping en foret qui tournerait bien.  

Michaud est québécoise. Elle connait bien les grandes forêts, de l’espèce impénétrable qu’on s’obstine à arpenter. 

 La première partie de ce roman est remarquable.

Quand monte l’effroi.

Quand on oublie les railleries que l’on assénait devant tant de films, séries, livres, où un groupe de jeunes s’obstinent à faire les mauvais choix. Ils le sentent au plus profond d’eux-mêmes nos trois amis qu’ils devraient illico rebrousser chemin. Oui mais voilà, ils ont obtenu de haute lutte cette escapade, le regard narquois des parents devant un retour piteux, merci bien ! L’orgueil est le plus sûr allié de l’horreur qui vient.

La suite est plus attendue. Mais, la peinture précise de l’engrenage irrémédiable, la frayeur, la choralité des voix qui narrent, sidérées et tremblantes, tout cela m’a réconcilié avec l’autrice dont j’avais considéré le Tempête comme une arnaque paresseuse.

Proies entremêle la tension, la tragédie, nous tord le bide et nous broie le cœur. Le parfait antidote à un feel good à la con.

Ici point de chute expédiée, niée même, mais la puissance et l’aisance d’un récit où André Michaud fait encore la démonstration de la beauté angoissante de sa plume. Il nous semble que le moindre bosquet renferme un mystère, un piège...

C’est sans doute vrai.

J’aime les balades en forêt. J’ai toujours un linge de rechange. La sueur n’est toujours pas due à la chaleur. Le livre de Andrée Michaud ne va pas contribuer à réduire la fréquence de mes lessives.

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