jeudi 18 avril 2024

Traduction : Fabienne Duvigneau

« Ce n’est pas une ville, c’est une gueule de bois, déclara Laidlaw à voix basse. Un lendemain où on ne sait même pas ce qu’on a commandé la veille. S’amuser, d’accord, mais les conséquences sont toujours un choc pour l’organisme et Glasgow n’est qu’une série de conséquences, chaque jour de la semaine. »

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Glasgow, octobre 1972. Lorsqu'un cadavre en costume est découvert dans une ruelle sombre à l'arrière du pub Le Parlour, Il est aussitôt identifié : Bobby Carter, l'avocat qui mettait ses talents au service de la pègre. Enfin, de l'un de ses chefs, Cam Colvin. De l'avis général, ce qui est arrivé à Bobby Carter n'a rien de surprenant.

Le jeune policier Jack Laidlaw est lui aussi précédé d'une solide réputation. Il a tendance à travailler en solitaire et à se moquer de la hiérarchie. Mais il a un sixième sens pour interpréter les signes que les autres ne voient pas. La police doit trouver rapidement qui a tué Bobby Carter car les différents gangs de la ville sont prêts à s'entretuer. 

Ignorant les directives de son supérieur, Laidlaw va suivre une piste qui le mènera à la vérité et à la conclusion qu'il n'y a pas d'autre issue « que le noir ».

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Glasgow, William McIllvanney la connaissait bien. De l’apparition de son héros fétiche Laidlaw en 1977 jusqu’à sa morten 2015. Il arpenta et nous guida dans Glasgow tout autant comme un poète (ce qu’il fut) que comme un auteur de roman noir. Sa mort prématurée fut un coup dur pour le mouvement littéraire Tartan noir, le polar écossais, dont il fut l’un des maîtres et encore plus pour le prequel aux enquêtes de Laidlaw qu’il laissa inachevé. 

Ian Rankin est lui plus Édimbourg mais il releva le défi : finir Rien que le noir plutôt que le laisser dormir dans un tiroir à côté du Bourbon entamé. Il sait également Ranking, le crachin poisseux et le pavé humide, son John Rébus en a bouffé de l’asphalte glissant. Ian Rankin est un polardeux solide, expérimenté et cela se ressent. De MCIllvaney il a gardé l’esprit à défaut de la lettre. 

Difficile en effet de reproduire le style de McIlvanney, sinueux, déroutant, très littéraires sans tomber dans une redite poussive. La plume de Rankin est plus directe et moins travaillée. Mais de McIlvanney Rankin a saisi l’essentiel : Jack Laidlaw.  

Un héros attachant malgré lui, peu aimable, orgueilleux, cavaleur et misanthrope. Se fiant à ses intuitions plus qu’à la procédure légale, s’il n’a rien de novateur, il est immédiatement identifiable et identifié comme un avatar de Glasgow. La cité qu’on suppose tranquille se réincarne parfaitement en cet homme tourmenté et préférant battre le goudron, s’enfiler de trop nombreuses pintes derrière une cravate défraichie que boire du mauvais café derrière un bureau enfumé. 

Le résultat est plaisant, vif. Rien que le noir est la porte d’entrée idoine à l’œuvre de William McIllvaney, rien que pour ça...

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