jeudi 11 avril 2024

Traduction : Barbara Faure

« Ils ont commencé à s’écrire, ils se sont fiancés, mais la guerre a éclaté et c’en était fait du mariage. »

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Berlin 1935. Felice Bauer – par deux fois fiancée à Franz Kafka –, fuit l’Allemagne hitlérienne avec ses enfants, alors que les proches de l’écrivain tentent eux-aussi d’échapper aux horreurs d’un Holocauste annoncé. Des années plus tard, un homme prétendant être le fils de Kafka aborde le fils de Felice à Manhattan et le drame entourant les Lettres à Felice écrites par l’écrivain commence… 

La vie après Kafka dépeint la magie et le poison des souvenirs ; il met en lumière le courage nécessaire pour survivre aux vestiges brisés de l’Europe d’avant-guerre et rebâtir une vie dans un nouveau monde. 

Magdaléna Platzová a commencé à suivre les traces de Felice en Amérique en 2010, alors que son fils était encore en vie. De cette rencontre avec lui et sa famille est né ce livre qui n’est finalement pas seulement consacré à Felice, mais aussi à ceux qui ont fait partie de la vie de Kafka.

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Je n’aime pas les livres de correspondances à de rares exceptions (celle de Manchette par exemple). La plupart du temps, je m’en fous. Et c’est malaisant, d’autant plus quand l’un des épistoliers est connu et l’autre non. On lui a demandé son avis à l’ami, la maitresse, l’amant de l’Artiste ?

Peut-être...

Je ne suis pas particulièrement amateur de Kafka. Je peine à voir du génie dans ses écrits. Je ne déteste pas non plus. Disons qu’il fait partie de l’immense cohorte de celles et ceux qui me laissent proportionnellement aussi froid que leur renommée.

Alors, un livre reposant sur les lettres que Kafka a écrit à sa fiancée avait peu de chances de finir sur ma table de nuit. À peu près autant qu’un planning des épreuves des JO aimanté au frigo...

Mais c’est un livre Agullo et j’ai une communion avec cette maison d’édition. Me voilà donc embarqué, ce fut une belle traversée.

Car plus d’un Kafka geignard qui moi moi-tise à longueur de lettres, il s’agit du destin émouvant et emblématique d’une jeune juive par deux fois fiancée à Kafka avant d’émigrer juste avant l’obscurité cannibale de l’Europe.

Felice Bauer, une femme ordinaire en une période extraordinaire, confirmant que l’ordinaire est une notion décidemment toute relative. Magdaléna Platzova, par petites touches, d’une plume sensible, d’une pudeur touchante, rend immédiatement accessible cette vie qui frôla l’annihilation et sa proximité avec un mythe littéraire est presque secondaire.

Les tractations autour de la cession de ces lettres (ce à quoi Felice s’est longtemps refusée, n’y consentant que poussée par les extrémités que l’on découvre l’âge venant) charrient leurs manœuvres sordides. Capitaliser sur la sinuosité tortueuse du Tchèque bientôt adjectivé est un business comme un autre.

Un beau livre que les incises personnelles de Magdaléna éclairent et dynamisent. Si vous aimez Kafka et les correspondances vous avez toutes les chances d’aimer. Sinon, vous avez Magdaléna Platzova.

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