lundi 25 mars 2024

Traduction : Martine Aubert

« Charles Dickens, un type hyper vieux, mort depuis un bail et étranger en plus de ça, mais putain, il les connaissait, les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne n'avait rien à branler. T'aurais cru qu'il était d'ici. »

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Né à même le sol d’un mobil-home au fin fond des Appalaches d’une jeune toxicomane et d’un père trop tôt disparu, Demon Copperhead est le digne héritier d’un célèbre personnage de Charles Dickens. 

De services sociaux défaillants en familles d’accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l’addiction, le garçon va être confronté aux pires épreuves et au mépris de la société à l’égard des plus démunis. 

Pourtant, à chacune des étapes de sa tragique épopée, c’est son instinct de survie qui triomphe. 

Demon saura-t-il devenir le héros de sa propre existence ?

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Dickens n’est pas mort. Là est le privilège des grands et grandes artistes, ils ne partent pas tout à fait. Nul doute que Barbara Kingslover ne disparaîtra pas totalement. 

Demon Copperhead, surnommé ainsi car ses cheveux ont la même teinte cuivrée que les serpents qui pullulent autour du mobil-home qui l’a vu naître, à onze ans, a déjà plusieurs vies au compteur.

Sa naissance, déjà, fut une lutte, il a dû s’extraire lui-même du placenta, de sa mère hébétée, à un fil du coma, et atterrir sur le sol pourri d’une caravane pourrie d’un coin pourri des Appalaches.

Ce bouquin, il faut en accepter le principe. La merde se merdifie toujours davantage. Dickens, en son temps, fut peut-être rassuré de se convaincre que le monde irait vers un avenir radieux, de compassion et de fraternité. Peut-être, je ne suis pas un Dickensien suffisamment armé pour soutenir cette hypothèse. Barbara fait un sort à cette prédiction. Cet univers des Appalaches, ravagé par les opioïdes, ne marque pas un tel progrès par rapport au Londres Victorien qu’il faille se laisser aller à une autosatisfaction élyséenne.

À même pas 12 ans, et déjà une vie de verre pilé qu’on s’injecte dans les veines. Et on se surprend à retenir notre souffle quand l’apaisement pointe, on sent que le marque-page ne va pas vers du mieux.

Non.

Ce roman redoutable baigne dans un Charybde qui verse dans un Scylla qui se cherche une troisième destination. Ce qui sauve ce livre d’un misérabilisme glauque, c’est le ton vif, presque sémillant, de Demon Copperhead qui se raconte. Son instinct de survie qui le hisse vers le haut. Le progrès civisationnel, il s’en branle Demon, lui restera à un souffle de la noyade. Incroyable bouquin !

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