Traduction : Nicolas Richard
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Wall Street traverse l’une des pires crises de son histoire. Nous sommes dans les années 1930, la Grande Dépression
frappe l’Amérique de plein fouet. Un homme, néanmoins, a su faire fortune là où tous se sont effondrés. Héritier d’une famille d’industriels devenu magnat de la finance, il est l’époux aimant d’une fille d’aristocrates. Ils forment un couple que la haute société new-yorkaise rêve de côtoyer, mais préfèrent vivre à l’écart et se consacrer, lui à ses affaires, elle à sa maison et à ses oeuvres de bienfaisance.
Tout semble si parfait chez les heureux du monde… Pourtant, le vernis s’écaille, et le lecteur est pris dans un jeu de piste.
Et si cette illustre figure n’était qu’une fiction ? Et si derrière les légendes américaines se cachaient d’autres destinées plus sombres et plus mystérieuses ?
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Le capitalisme est une fiction qui repose sur un sentiment
illusoire, plus liquide qu’une eau frelatée à proximité d’une usine
post-soviétique au fond de l’Oural. La confiance. Une sorte d’abrutissement
généralisé qui tient lieu d’assentiment envers un système rustiné de toute part.
Une fiction qui assène que hors le capitalisme point de salut. Si le système
défaille, c’est que l’on pas poussé assez loin sa logique mortifère, comment
accélérer sans ceinture et l’airbag désactivé dans un mur de brique renforcé au
béton armé recouvert d’un acier trempé.
Hernan Diaz fait-il autre chose, dans son roman labyrinthique, machiavélique, que nous rendre conscient des dangers de la fiction ? Oui, il fait bien des choses mais en trois parties miroirs et antagonistes, d’une construction brillante, génialement sournoises, Diaz démonte le mécanisme du capitalisme.
Comment peut-on croire que les convulsions chaotiques d’un Marché de change, aux règles absconses, soit soumises à une main invisible, se régulant comme un biotope vertueux ? C’est un mystère. Peut-être cela tient-il aux mystères de la fiction et à sa puissance. Il est plus facile de se couler dans un récit que lutter contre son courant.
Trust est également un roman sur l’invisibilité des femmes. C’est là un terrain glissant. S’y aventurer serait dévoiler les mécanismes d’une horlogerie précise et sordide qui fait le sel amer, de celui qui picote à vif les blessures ouvertes, de ce livre. Je me contenterais de dire que le prix Nobel de médecine 1962 est aussi une fiction dont Watson et Crick tinrent la plume.
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