lundi 25 mars 2024

Traduction : Sébastien Rutés

« [...] la douleur d’une disparition, la honte et la dignité sont des chiennes enragées qui ne mordent que ceux qui bougent encore [...] »

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Toni Trinidad, unique policier municipal du village d’Ascuas, est un homme solitaire et un peu simplet qui ne porte jamais d’arme, s’évanouit à la vue du sang et ne souhaite qu’une chose : préserver sa tranquillité.

Or sa vie n’est pas simple : son poste est menacé, son ami Triste a été découvert pendu, et sa sœur Vega, qui gère seule la casse du village depuis la disparition de son mari, a de solides ennuis avec un cruel trafiquant de drogue local. Aussi Toni se trouve-t-il malgré lui dans l’obligation d’agir.

Au cœur de la campagne de Guadalajara, entrepreneur véreux, trafiquants en faillite et tueurs à gages croisent la route de Toni pour son plus grand malheur, ou le leur...

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La fameuse parabole du sage montrant la lune et le mono-neuronal s’obstinant à fixer le doigt ne fonctionne pas dans le roman de Marto Pariente. Son héros, Toni Trinidad, n’est pas un abruti congénital, il est juste ahuri. Certaines et certaines diagnostiqueraient sommairement un léger retard à l’allumage et manqueraient ainsi l’essentiel.

Toni Trinidad est quelqu’un dont on doit se méfier.

Formidable roman qui témoigne de la vitalité du polar ibère, qui nous épargne le flic dépressif, alcoolique tournant sans fin comme un hamster piégé dans sa boucle narrative (coucou Harry Hole), La sagesse de l’idiot est du pur bonheur.

On devine les références qui viennent spontanément aux synapses. On jurerait que Elmore Léonard et Donald Westlake le regardent d’un œil attendri d’où qu’ils se trouvent, enfin ils le feraient si je croyais à une vie après.

C’est évidemment Jim Thompson et son phénoménal Pottsville qui semble le parrainage le plus pertinent. Un parrainage lointain, évanescent, tant Marto Pariente trouve sa propre voie. Son flic municipal est moins troublant et diabolique que le shérif Nick Corey, moins infâme. Il subit plus les évènements (et ils sont nombreux) et en profitent in fine.

Toni Trinidad.

Se trimballant un patronyme de chef de cartel colombien, hématophobe (la vue d’une goutte de sang suffit à l’envoyer dans les plumes du coma cognitif), ce personnage est un bijou de création romanesque. Il est bien entouré. Ce bouquin est un défilé de trognes méchantes, vicieuses, abruties (de vraies pour le coup) et touchantes.

Toutes et tous embarqué.e.s dans un enchainement absurde de péripéties tordues et tordante, bizarrement crédibles. Ce livre grinçant, parfois franchement hilarant, tendu comme un pitbull sous amphètes et ménageant des plages de poésies brindezingues, est l’un de ces polars que l’on aurait tort de sous-estimer. Comme Toni Trinidad.

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