dimanche 25 février 2024

« Alors les gens recommençaient avec ce qu’ils avaient et regardaient à la lumière renaissante ce que les longs mois d’hiver leur avaient laissé. »

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Dans une vallée alpine proche de l'Italie, un homme s'est installé dans une maison isolée. Il n'a presque aucun contact avec le voisinage; son unique compagnon est un chien. 

Un soir, alors qu'il rentre chez lui après être allé en ville pour son travail, il retrouve le chien égorgé, baignant dans une mare de sang. Il comprend aussitôt la signification de cet acte barbare. 

Il part à la recherche de Charles, le mari de Josepha, l'homme qui règne sur le village et la vallée, un homme auquel il ne fait pas bon s'opposer.

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Le patriotisme est le ver dans le fruit vérolé. Mais que l’on dézoome... Que l’on adapte la focale...Quand le chauvinisme se réduit à une région, un patelin, une lande de terre ou un pic abrupt, il devient fréquentable, il se pare des vertus de la défense du local. Je me méfie, et de chantonner silencieusement ma chanson préférée de Brassens et ses cons qui sont nés quelque part.

Mon caillou est le plus beau. Regarde, il est plus lustré, poli et chatoyant que dix bornes plus loin. Tu ne peux pas comprendre, il faut être né ici. Peut-être. J’ai eu une enfance et adolescence déménageuse, suivant mon père à chaque mutation professionnelle. Je n’ai pas eu le temps de me figer. Donc moi j’aime bien les cailloux, juste je ne sais pas si ceux-là sont plus jolis que ceux d’en face.

Ce sentiment d’appartenance, suffocant, réducteur, est admirablement rendu dans le roman de Manfred Kahn. Cette défiance instinctive envers les gens de la Ville. Porté par un style aussi changeant qu’un paysage en montagne, sobre et taiseuse avant le virage, lyrique après, ce polar est d’un noir épais, mat qui ne vire jamais au gris clair.

Manfred Kahn chasse sur les terres du nature-writing enfermant, du huis-clos à ciel ouvert. Il ne revient pas bredouille le bougre. Quand le regard de Victor, le héros, fraichement arrivé dans ce hameau isolé, à flanc de montagne, se perde au-delà d’un horizon inatteignable, l’étouffement est aussi sensible que cerné de parpaings.

Kahn brouille les cartes et noie la boussole. Son Victor n’est pas un modèle de vertu et les montagnards ne sont pas tous des édentés abrutis par la consanguinité. La connerie est équitablement répandue sur notre boule bleue.  Celles et ceux qui règnent s’appuie assurément et sans faillir sur cet épandage toujours renouvelé.

Comme l’année précédente, le Rivage des libraires débute par un premier polar qui claque au vent comme un drapeau sans couleur bien définie. Lisez Le vestibule des lâches, c’est l’assurance d’un Noir profond, mouvant et prenant.

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