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Le Sud n’a pas changé.
Ce constat, Titus Crown y est confronté au quotidien. Ancien agent du FBI, il est le premier shérif noir à avoir été élu à Charon, la terre de son enfance. Si son élection a fait la fierté de son père, elle a surtout provoqué la colère des Blancs, qui ne supportent pas de le voir endosser l’uniforme, et la défiance des Noirs, qui le croient à la solde de l’oppresseur.
Bravant les critiques, Titus tente de faire régner la loi dans un comté rural frappé par la crise des opioïdes et les tensions raciales. Jusqu’au jour où Latrell, un jeune Noir, tire sur M. Spearman, le prof préféré du lycée, avant de se faire abattre par la police. Fanatisme terroriste, crient les uns. Énième bavure policière, ripostent les autres.
À mesure que les dissensions s’exacerbent, Titus se retrouve lancé dans une course contre la montre pour découvrir la vérité.
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Le dernier roman de S.A. Cosby est préfacé par Stephen King.
Rien d’incongru. Ils partagent quelque chose de puissant et
d’indéfinissable : ils sont tous les deux des conteurs. Ils partagent ce
même sens du récit, du tempo et ce style unique, inimitable.
Il y a trois types d’écrivain.e.s qui me viennent parfois à
l’esprit. Les pisse-copies : ceux-là, celles-là, je peux les égaler. En
lisant leur bouquin, je songe que j’aurais pu l’écrire, faire aussi bien, pas
pire en tout cas. Les inatteignables : pas la peine d’y songer, je ne peux
prétendre au génie de Alan Moore (par exemple).
Et il y a les fourbes, les trompeurs. On se dit : je
peux le faire mais on réalise qu’on n’est pas armé, configuré, pour ce genre de
livres. S.A. Cosby est de ceux-là.
L’enquête de Titus Crown, premier shérif noir de Charon
County, la peinture vive, lucide, amère de ce comté sudiste, raciste, aux
progrès vacillants ; tout cela te fait réaliser que Cosby maîtrise le
flux.
Cette capacité à insérer son récit dans une trame serrée et chatoyante
de mille reflets sans perdre notre regard, sans nous égarer, nous guidant par
la grâce d’une plume sobre, élégante, sans sentence qui claque au vent. C’est
fort, très fort.
Ce n’est certainement pas donné à tout le monde de juguler
cette colère qui court le long des chapitres. Cette rage consciente d’être
toujours en encore relégué à la seconde zone en raison de sa pigmentation.
Cette angoisse existentielle de se mouvoir dans une zone grise, à la fois la
haine ressentie par une bonne part de la population blanche parce que noir et
la défiance d’une proportion non négligeable de sa propre communauté parce que
shérif.
Le livre de Cosby a la force de l’évidence, parce que
l’auteur connait ce Sud-là, ranci dans des préjugés ancestraux, qu’il aime
malgré tout en un élan masochiste irréfragable. Posant ci et là, quelques
touches plus véridiques que nature, au-delà d’une investigation bien foutue
mais lue mille fois, c’est bien la trajectoire de ce colosse étoilé à la peau
sombre qui nous happe.
Incroyable !
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