lundi 12 février 2024


« Il reconnaissait dans ces poings levés ceux qui travaillaient six jours sur sept. »

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Avec Passage de l’Avenir, 1934, Alexandre Courban livre le premier volume d’une série policière et historique prenant place dans le Paris des années 30, les années du Front populaire, qui débute alors que le corps d’une jeune fille est repêché dans la Seine à l’hiver 1934. 

L’enquête, menée par le commissaire Bornec et Gabriel Funel, journaliste à L’Humanité, les plongera dans les tréfonds de l’âme humaine sur fond de machination politique et économique de grande ampleur dans un contexte de manifestations de la gauche préfigurant l’arrivée au pouvoir du Front populaire deux ans plus tard.

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Les temps sont à l’insurrection sociale. Les élites se gavent. Les scandales politiques se succèdent tant qu’on a du mal à suivre. La spéculation sans frein profite aux mêmes. Pendant ce temps, les premières lignes, comme on dit, tiennent, difficilement, mais elles tiennent.

Voilà le climat de ce formidable roman qui se déroule en... 1934. C’était mieux avant, oublions, c’était PAREIL avant me semble plus pertinent.

Flaubert le revendiquait : « Madame Bovary, c’est moi ! » On peut supposer qu’il y a quelque chose d’Alexandre Courban dans Gabriel Fournel, journaliste à l’Humanité, couvrant le climat pour le moins tendu au lendemain des journées de février 1934 où l’extrême-droite fut à un souffle de renverser la République.

Plus qu’une intrigue policière presque accessoire, le livre de Alexandre Courban tient dans cette peinture vivace, enlevée de cette France fracturée, où les plus humbles croyaient encore au tout est possible face aux tenant d’un ordre établi pour la sauvegarde d’intérêts bien compris.

Ça devait avoir de la gueule cette espérance, cette rage. Cette innocence du Communisme avant Staline, avant les crimes révélés.

Alexandre Courban, titulaire d’une thèse sur l’histoire du quotidien communiste de 1904 à 1939, dispose de deux beaux atouts. Le journaliste engagé Gabriel Fournel, mais également le mélancolique commissaire Bornec, qui a pour habitude de donner des noms de fleurs aux victimes non identifiées sur lesquelles il enquête. Deux beaux personnages se mouvant en une époque troublée, admirablement dépeinte, un travail documentaire conséquent rendu miraculeusement digeste par la grâce d’une plume immersive et sobre.

Alexandre Courban repêche les oublié.e.s de l’Histoire, ce H qui broie et concasse.

Rien n’a changé.

Si les managers, les éditorialistes et experts de tous poils, les « toutocrates », finissaient brutalement en purée de viscères, on mettrait un certain temps à s’en apercevoir. Si les soutiers, les petites (grandes) mains venaient à manquer, les premiers viendraient glapir sur les estrades.

Génial bouquin.

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