mardi 30 janvier 2024

Traduction : Marcel Duhamel, (heureusement) révisée par Michel Belano.

« Je sentais son flux et reflux sous la plante de mes pieds »

Quand Robert Syrvaten, le narrateur, se fait cette réflexion, via la plume sobre et acérée de Horace McCoy, au début de son court et plus fameux roman On achève bien les chevaux, on ne sait plus. On en sait plus si cette phrase désigne l’océan grondant sous le bâtiment s’avançant sur les vagues du Pacifique ou bien au marathon de danse qui va se dérouler entre ses murs.

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Robert et Gloria sont en fait tous deux figurants à Hollywood. Les contrats ne se bousculent pas. Ils entendent parler d’un marathon de danse avec, à la clé, une coquette somme de 1000 dollars pour le couple vainqueur. 

Fauchés, ils décident de s’y inscrire dans l’espoir, à défaut de le remporter, d’être au moins repérés par un producteur de cinéma…

S’ensuit une course effrénée du couple avec pour seul mot d’ordre : tenir. Et un challenge pour Robert : garder Gloria en vie. Dépressive, elle ne veut en effet qu’une seule chose : mourir…

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Les marathons de danse. Ils furent nombreux dans ces années 30, celles de la Grande Dépression, du désespoir poussant aux pires extrémités. Ces compétitions où de pauvres hères se trémoussaient le derche non-stop, jusqu’à épuisement, pour le bénéfice des bien nourris placés dans les estrades.

Succès assuré.

Les geignements, silicones et neurones en friche de la télé-réalité n’ont rien de novateur.

Quand on songe roman Noir, tragédie sociale, Hammett et Steinbeck viennent spontanément aux synapses. McCoy, en peu de pages, à coup de chapitres ramassés et compacts comme autant de coups dans le bide, dit tout (lui aussi) de ce capitalisme vicié, de ce misérabilisme forcené. De cette partie de l’humanité qui se repait de l’humiliation de l’autre, et cette satisfaction béate de ne pas y être contrainte.

On achève bien les chevaux est une tragédie obscure, inéluctable qui vous fige sur place et vous passe l’envie de claquer du faux rythme sur le dancefloor.

Steinbeck est une évidence, Hammett encore plus. Juste, juste... N’oublions pas Horace McCoy.

On achève bien les chevaux est un putain de chef-d’œuvre !

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