lundi 30 octobre 2023

« La voix de François parlait au cœur des hommes égarés, celle de Dominique à leurs cendres. C’est la sienne qui portait le mieux. »

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1348. La peste noire déferle sur l’Europe

1367. Deux jeunes frères dominicains se rendent à Toulouse pour trouver le précieux papier sur lequel leur prieur entend écrire le récit de sa vie. 

Et sa confession risque de faire basculer l’Eglise en révélant la vérité sur les origines de la Peste et la façon dont elle fut liée au destin de son maître, Eckhart de Hochheim, dit Maître Eckhart, théologien mystique et prêcheur le plus admiré de la chrétienté. 

Puis maudit.

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Des moines, le Moyen-Âge, trognes inouïes et mortalité galopante. Ajoutons un mystère dont le dévoilement renverserait un ordre soigneusement établi et l’ambition démente des hommes pour relever la sauce.

Un nom qui viendrait spontanément aux synapses ? 

Umberto Eco a tué le game du polar médiéval, forcément érudit, forcément pansu et démentiel. Antoine Sénanque doit se soumettre à cet injuste parallèle. Peu importe que la comparaison soit inadéquate, elle est aussi inévitable que la candeur sirupeuse des après-midis télévisuelles de fin d’année. 

Les dissonances entre Le nom de la rose et Croix de cendres sont moultes. Le roman de Sénanque n’est pas un huis-clos, nous voyageons beaucoup. Il ne se présente pas sous la forme d’une investigation menée par un esprit de bure dont la sagacité confine à l’omniscience. 

Croix de cendre est une confession, la trajectoire de Maître Eckhart. Prêcheur percutant et abscons, ivre de sa rhétorique, prônant le dénuement le plus absolu, c’est quand on manque de tout et que l’on n’attend plus rien que l’on rencontre (réellement) Dieu. 

Les princes de l’Église goutent peu cette vision. Eux, la misère c’est pour leurs ouailles. La promesse d’une récompense après la mort achetant une paix sociale cimentant la pyramide des ordres, la base servant le sommet. 

Que cache donc la vie de Maître Eckhart ? Quel en est l’écho funeste qui pourrait favoriser le pouvoir grandissant d’un inquisiteur matois et obèse ? 

Sur ce brouet plane l’ombre de la Peste. La Noire qui déferla sur le Monde 20 ans auparavant. La Peste Noire c’est le Covid mixé à Walking Dead. Une morbidité quasi garantie à une époque ou la religiosité tenait lieu de politique publique. Ambiance... Eckhart a vécu pendant la Peste Noire. 

La Peste est le second rôle Oscarisable de cette épopée furieuse et touchante (l’amitié peut parfois plus qu’une armée en marche) que Sénanque tisse implacablement. Le dénouement est à la hauteur de ce qui précède : terrible. 

Mettre Dieu, quel qu’il soit, au cœur des destinées n’est jamais une bonne idée. 

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