dimanche 22 octobre 2023

« Peut-être que la guerre commence quand on s’habitue à l’enlaidissement du monde. »

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Joan-Manuel est un jeune romancier fasciné par la guerre. Pris en otage par les djihadistes puis relâché dans le désert, hanté par le souvenir de sa détention, il décide de partir en Galice sur la piste d’un mystérieux poème de Garcia Lorca.

Alexandre est un diplomate dont la famille a été déportée par un certain Alois Brunner, criminel de guerre nazi devenu conseiller du dictateur Hafez el-Assad. Dans l’espoir de combattre ses démons, il accepte une opération de renseignement dans une ville syrienne assiégée.

Daniel est un mercenaire spécialisé dans la sécurité militaire à Bagdad. Afin de retrouver la fille d’un ami disparue lors d’une mission humanitaire sur la frontière turque, il doit monter une expédition des plus périlleuses pilotée en sous-main par la CIA.

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Jean-Pierre Perrin fut longtemps grand reporter. On suppose et la supposition est vite levée pour devenir certitude qu’il connait son sujet et que cet Orient fantasmé et incertain lui est proche.

Une guerre sans fin est donc documentée et argumentée mais, là est le sel vif et amer de ce livre, ne répond en rien au slogan de bandeau rouge, « polar géopolitique dans la lignée du Bureau des légendes ». Cette littérature labellisée qui, si elle est instructive, manque cruellement de littérature justement.

Une guerre sans fin, c’est une plume. Un rythme et un choix des mots qui scandent débouchant sur une mélopée chorale. Trois destins se jouent en ces chaleurs désertiques et frénésies urbaines pour aboutir à une promesse de trouée dans les ténèbres.

La récurrence, le parallèle, avec la guerre d’Espagne y trouve une belle évidence, en appeler à Éric Arthur Blair pas encore le Georges le plus fameux de la littérature, n’est certainement pas pour me déplaire.


« Le vrai cœur de Harlem, le cœur battant du quartier, était noir »

Traduction : Catherine Richard-Mas

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Des années 30 à la fin des années 50, Clyde « Viper » Morton règne sur Harlem au rythme du jazz et dans la fumée des joints de marijuana. Mais dure sera la chute.. 

Clyde Morton croit en son destin : il sera un grand trompettiste de jazz. Mais lorsqu’il quitte son Alabama natal pour auditionner dans un club de Harlem, on lui fait comprendre qu’il vaut mieux oublier son rêve. L’oublier dans les fumées de la marijuana… qui lui ouvre des horizons. 

La « viper », comme elle est surnommée à Harlem, se répand à toute vitesse et Clyde sera son messager. Il est bientôt un caïd craint et respecté, un personnage. Jusqu’au jour où arrive la poudre blanche qui tue. Et qui oblige à tuer.

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Jake Lamar est connu pour son percutant et prophétique roman politique Nous avions un rêve. Premier volume de la collection New-York made in France de Rivages, Viper’s dream n’atteint pas tout à fait la cime de ce magnum opus mais plane tout de même à des hauteurs respectables.

Lamar a LA bonne idée. Celle de ne pas choisir un musicien prodige pour faire vivre son Harlem jazzy des années 30. Ce n’est pas un ersatz frelaté d’un Charlie Parker bis. The Bird continue à voler seul dans sa part de ciel.

Il préfère un dealer de drogue dite douce. La marijuana de Clyde Morton. Moins mortifère qu’une héro seringuée, aller direct pour la morgue.

Cette dichotomie entre l’herbe qui délie les phalanges, sublime le génie et l’héro qui tue semble parfois artificiel et par trop cloisonné. Mais quel sens du rythme ! Quel punch ! Un polar nerveux, tendu comme un bebop qui n’aurait pas renié son harmonie. Sans oublier que l’Amour reste un moteur narratif imparable.

Deux candidats sérieux pour le Rivage des libraires.

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