lundi 15 mai 2023


Traduction : Florence Rigollet

« Ces idéaux n’existaient plus. Lui n’y croyait plus, il ressentait un vide insupportable. »

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C'est une triste journée d'hiver. De son bureau, le commissaire Soneri observe la pluie qui s'abat sur Parme quand l'annonce d'un nouveau drame vient le tirer de ce spectacle déprimant.

Un mystérieux jeune homme s'est pendu dans un vieil hôtel abandonné. Sur lui, on ne retrouve ni papiers, ni argent, mais sa tenue est élégante et une valise de luxe repose à ses pieds. Soneri lance l'enquête, mais voilà qu'une deuxième affaire lui tombe dessus : un meurtre à l'arme blanche. La victime, Elmo Boselli, était un leader du mouvement du Soixante-huit parmesan, grand agitateur de foules et séducteur impénitent.

En creusant dans la vie de Boselli, le commissaire remonte une piste ténue qui le mène des Apennins émiliens à la mer, dans les villages des Cinque Terre...

Pour reconstituer les pièces du puzzle, Soneri devra se confronter aux espoirs et aux idéaux d'une génération qui rêvait de transformer le monde mais a laissé un héritage miséreux à ses enfants.

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Ils ne sont pas nombreux les écrivains dont j’ai tout lu. Valerio Varesi en fait partie. Lors de l’une de nos conversations, Valerio me demandait lequel de ses livres je préférais, je lui répondis alors le dernier en date que j’avais lu. Or, encens et poussière me semble-t-il.

Ma réponse n’a pas changé. Quel est mon livre préféré de Valerio Varesi ? Le dernier que j’ai lu.

Ce n’est que le début, commissaire Soneri est, comme les précédents, un enchantement. Un désenchantement désenchanté oxymorais-je. C’est bien une fresque de la désillusion, de la révolution avortée qui coure le long des pages de ce livre mélancolique et douloureux.

L’époque est violente. On déplore au plus haut l’entêtement des dispositifs sonores portatifs à se faire entendre et volent les matraques. Mais l’Italie dans les années 70, c’était quelque chose, les charges des forces de l’ordre laissaient de nombreux morts sur les pavés. Qu’un vieil activiste de gauche se retrouve poignardé à mort et Soneri replonge dans ces années furieuses où l’on espérait un nouveau monde quand l’ancien faisait le dos rond, attendant que la colère retombe et que les affaires reprennent.

Ce n’est pas la première fois que Soneri goute peu l’amertume de se trouver du côté de l’ordre quand sa pente naturelle le porte vers l’entropie utopiste. Mais l’acidité est ici plus dérangeante encore. Comment survivre à la fin de la lutte ? Quand les idéaux ont été moulinés et recrachés dans un brouet néo-libéral à faire passer la fiente pour un tiramisu ?

Si, de plus, le crime à l’arme blanche se double d’un suicide suspect ?

Soneri semble désemparé devant cette pendaison où le coupable et la victime se fondent en une même personne. Il navigue à vue et se perd dans cette enquête comme dans les brumes de sa ville de Parme.

L’investigation Sonerienne procèdera par temps suspendus et accélération soudaine, angoisse de l’embourbement et intuitions fulgurantes, aiguillonnée par l’indispensable et piquante Angela.

Ce livre est mon préféré de Valerio Varesi. Jusqu’à l’année prochaine.

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