lundi 15 mai 2023

Traduction : Anne-Sylvie Homassel

« Il nous semble en général que les cartes sont parfaitement exactes - après tout, c'est leur raison d'être. À quoi servirait une carte qui ment ? C'est cependant ce que font la plupart d'entre elles. »

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Nell a perdu ses deux parents. Sa mère trente ans plus tôt, et maintenant son père, le Dr Young, un célèbre cartographe de la New York Public Library qui vient d’être retrouvé mort dans son bureau.

Elle l’adorait, elle voulait embrasser la même carrière que lui, mais parfois la famille c’est très compliqué. En fouillant dans les affaires du défunt, elle trouve, bien cachée, une carte routière a priori sans grand intérêt. Sauf que Nell se souvient parfaitement de cette maudite carte. Elle lui a valu une engueulade homérique et lui a coûté sa place, auprès de son père.

Intriguée, elle reconstitue avec un regard neuf ce vieil incident et ne tarde pas à se rendre compte que le document est aussi rare que précieux. Il comporte une erreur singulière, une signature pour ceux qui sont initiés à l’art de la cartographie. Pour percer ce mystère, Nell contacte certains amis de ses parents. Trente ans plus tôt, ils formaient un groupe de sept personnes, très soudé : les Cartographes.

Qu’ont-ils découvert ?

Quels crimes ont-ils commis contre la réalité ?

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Les cartes. 

Les cartes c’est comme les échecs en ce qui me concerne. Un domaine que je ne maîtrise guère mais qui me fascine. Plus encore que le support lui-même, l’échiquier ou les coordonnées, c’est ce qui tourne autour qui m’attire. Le destin des Grands Maîtres plus que le mouvements des pièces et bien plus les promesses se nichant dans les dénivelés que les relevés topographiques.

Peng Shepherd est parti d’un fait avéré. Le village fictif d’Agloé, inséré par La Général Drafting Corporation dans ses cartes routières pour lutter contre la contrefaçon, finira par acquérir une existence propre. S’il est sur la carte, il se doit d’exister. Ex-nihilo, la carte l’emporte sur l’histoire.

De cet évènement ébouriffant, Peng Shepherd crée une épopée poignante et merveilleuse. Comme dans Le livre de M, elle dénoue la plupart des fils. La plupart. Il faut accepter l’augure que certains pans de la mappemonde, enfin de la carte routière plastifiée, vulgaire, un plan de boite à gant, restent inexplorés.

Cependant, nous sommes loin de l’incompréhension totale, de cette sensation de chantier laissé en plan, que l’on éprouve parfois (notamment dans Tempête de Andrée Michaud, j’en remets une couche...). Nous accompagnons la galerie de personnages touchants peuplant le livre jusqu’à leur plein accomplissement.  

La force réelle de ce roman est ici, dans ces cartographes, indissociables comme la longitude l’est de la latitude qui se délient quand même pour se retrouver. Cette destinée familiale, intime et spectaculaire.

Toute carte comporte une part de mystère.

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