lundi 6 février 2023

Traduction : Simon Baril

« - Vous les culs-terreux, vous admirez beaucoup trop les martyrs, dit-elle. Peut-être que ça vous vient à force de voir vos mines s’effondrer et vos cousins mourir d’overdoses. »

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A Lynch, en Virginie occidentale, les gens qui n'ont pas déserté la petite ville vivent dans la pauvreté, voire le dénuement. Il y a peu d'emplois et toute la communauté est sous la coupe de Ferris Gilbert, le cruel patriarche d'une famille de criminels, qui fait régner la terreur. 

Lorsque Jason Felts, travailleur social qui a la particularité d'être nain, est chargé d'assister l'un des frères Gilbert, détenu à la maison de redressement pour possession de stupéfiants, Ferris y voit l'occasion de faire passer en fraude un dangereux colis à son jeune frère.

Ferris Gilbert menace aussi Terry Blankenship, un jeune homme pauvre qui a fui la maison familiale pour vivre dans les bois avec le garçon dont il est amoureux.

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Il y a la simplicité.

La difficulté.

Et Corneille. Le Cid. La pièce qui va enchanter des générations de lycéens et de lycéennes devant le choix impossible auquel fait face Don Rodrigue, le Cid susnommé : doit-il venger son père et dessouder celui de Chimène sa bien-aimée ou vivre son amour avec Chimène et décevoir son papa ? Un choix cornélien.

Il est bien gentil l’ami Pierrot mais il ne fait pas partie du jury du prix Rivages des libraires. On est quelque peu au-delà du Cornélien, je m’excuse. Le premier titre de la sélection est déjà d’une qualité stratosphérique et je pressens que n’en retenir qu’un va être aussi ardu que de désigner le meilleur titre de Bashung.

Jordan Farmer avec son premier roman déboule sur la scène un poil encombrée de la littérature des Hillbilly. Petits blancs miséreux zonant en leur mobil-home au pied des Appalaches, perdants perpétuels, ce qui les rend légèrement... Hargneux.

Jordan Farmer pourrait fort bien se réclamer de Chris Offut et tant d’autres. On a connu lignée plus infamante mais Farmer insuffle dans ses pages une tendresse, une sensibilité qui lui appartient en propre. Ce qui n’atténue en rien la noirceur mais la souligne au contraire, la sublime à vrai dire.

Ce qui suinte de l’encre précise, mélancolique et soudain violente de Jordan Farmer c’est ce fatum, cette inexorabilité. Les montagnes qui cernent la localité de Lynch, là ou se noue la tragédie, sont comme la glaise qui colle aux semelles : on a beau cogner, frapper et curer, il est impossible de s’en débarrasser totalement.

Jason Felts, le jeune assistant social frôlant le nanisme, se débat dans la glaise mais ses mouvements ralentissent implacablement, freinés qu’ils sont par la pesanteur de la glaise. Ce personnage est magnifique, une taille minuscule surplombant les autres, un cœur pur qui connait l’amour pur quand ses semblables se bercent d’illusions ou ne font que le deviner.  

Ouaip. Il me fait bien marrer Rodrigue...

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