lundi 17 octobre 2022

Traduction : Isabelle Perrin

« L’Amérique déterminée à régir le Moyen-Orient quel qu’en soit le prix, sa tendance à déclencher une guerre chaque fois qu’elle a besoin de gérer les répercussions de la précédente, l’OTAN comme relique de la guerre froide, qui fait plus de mal que de bien, et la pauvre Grande-Bretagne qui la suit comme un toutou sans croc ni maître parce qu’elle rêve encore de grandeur faute de trouver un autre rêve [...] »

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Julian a volontairement troqué son job lucratif à la City contre une librairie dans une petite station balnéaire de la côte est anglaise. Mais à peine est-il installé qu’un visiteur surgi de nulle part vient bouleverser sa nouvelle vie : Edward, immigré polonais habitant la vaste demeure en bordure de la ville, semble en savoir beaucoup sur sa famille, et porter trop d’intérêt à a bonne marche de son entreprise.

Lorsqu’une lettre parvient entre les mains d’un haut gradé des Services, l’avertissant qu’une taupe organiserait la fuite d’informations confidentielles, son enquête le conduit jusqu’à cette paisible localité du Norfolk.

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Certains livres sont plus émouvants que d’autres. Je me faisais cette réflexion en reposant le dernier livre de John Le Carré, son ultime. Je l’espère en tout cas, si on pouvait éviter l’épisode douloureux des fonds de malle et autre inédits posthumes et miraculeux...

J’ai abordé cette lecture, craintif. Mon admiration pour John Le Carré est au-delà du sans borne. Je redoutais un roman mineur, dispensable. La conclusion est un exemple de balance : oui et non dirais-je d’un ton forcément patelin. Oui ce roman est en retrait de ses chefs-d’œuvre et il est indispensable.

L’espion qui aimait les livres est une formidable porte d’entrée à l’univers de John Le Carré. Ce roman est un condensé de ses obsessions, voire ses névroses. La faillite du Renseignement qui accompagne la chute des convictions, dont celle, absolue, d’appartenir au camp du Bien. L’absence du père, admirablement mise en encre dans Un pur espion. Enfin, son goût de la narration éclatée et des intrigues à tiroir. Ici l’éclatement reste mesuré et les tiroirs ne sont pas (assez ?) nombreux.

John est parti avant la finalisation de cet opus. Mais, dans la postface, Nick, son fils, écrivain lui aussi et qui a supervisé les dernières corrections, assure que son travail ne fut que cosmétique, plus léger qu’une plume sur un nuage. Et je veux bien le croire tant le résultat est vif, plaisant. Et on retrouve sur certaines pages du pur Le Carré. Le débrief portant sur les années passées aux Balkans est un sommet de synthèse grinçante, une maestria toute Le Carréienne.

Et cette mélancolie acide, cette sensation de « à quoi bon » : « Je te le dis de vieil espion à vieil espion : je pense que j’aurais été plus utile en dirigeant un club de boy-scouts. »

John va me manquer.

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