dimanche 25 septembre 2022

 

« Au sein même de services consacrés aux malades qui en étaient atteints, le sida demeurait une maladie tout à fait singulière. [...] Des malades étaient plus coupables que d'autres. »

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Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d’interroger le passé familial. 

Évoquant l’ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé qui grandit entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux récits : celui de l’apparition du sida dans une famille de l’arrière-pays niçois – la sienne – et celui de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.

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À quoi tient l’amour que l’on porte à un livre ? Au fait que l’on réécrive entièrement un post précédent qu’on estime raté peut-être (et pourquoi j’utilise on à la place de je, bordel ?).

Je n’apprécie guère l’immixtion du je justement dans la littérature. Un biais narratif très français, très présent comme de bien entendu dans cette énième RL. Anthony Passeron détient une plume-sortilège qui transmute le je en nous. Même si nous n’avons pas vécu la perte d’un proche, atteint du sida, Anthony Passeron en fait un récit universel sur la perte, la sidération qui s’empare, confrontés que nous sommes face à un inconnu dévastateur et inéluctable.

Quel temps ce fut... La découverte progressive du virus qui semblait se propager uniquement au sein de la communauté homosexuelle ou junkie.  Anthony Passeron pose des mots sur cette ère où les autorités tardent à réagir, si cette maladie s’en prend à ces gens-là, qu’elle est l’urgence ? On en était là. On en sera toujours là non ? Évidemment le virus ne faisait pas d’ostracisme lui et le cantonner à une sphère reflétant une idéologie rance était une aberration scientifique.

Les chapitres s’entrelacent. Le drame intime et familial, sobre et en retenue, répond à un thriller médical haletant sur la traque du sida, suintant une urgence vitale et désespérée. On tourne les pages en raclant sa gorge, tachant d’y dénouer ce nœud qui s’installe.

Anthony Passeron maitrise son livre et semble même commander aux mots qui sont manquants. C’est un livre sur ce qui fut, sur ce qui aurait pu et sur celles et ceux qui refusèrent le cours que cela prenait et cet invraisemblable sectarisme qui paraît définir les époques qui se suivent.

Anthony Passeron écrit l’absence qui vient et qui est là. Il narre qu’on ne s’habitue à rien. Le déni puis l’acceptation. On finit les paupières rassasiées et les larmes aux yeux.

C’est quelque chose Les enfants endormis. C’est bien pauvre comme conclusion je sais mais c’est foutument quelque chose !

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