dimanche 25 septembre 2022


Traduction : Marie Furnam-Bouvard

« À Cracovie, le « pardon » était un terme strictement théologique, sans portée pratique dans la vie de tous les jours. »

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Cracovie, 1893. Zofia Turbotyńska, sans enfants, mariée à un professeur d'université, s'efforce de gagner sa place dans la haute société cracovienne. 

Dans ce but, et pour lutter contre l'ennui de sa vie domestique, elle s'engage au service d'une cause caritative : la Maison Helcel, maison de soins privée pour les malades et les vieux.

Lorsqu'une résidente, Mme Mohr, est trouvée morte dans le grenier, le médecin conclut à une crise cardiaque. Mais Zofia, grande lectrice de romans policiers, y voit aussitôt un acte criminel et décide d'enquêter. 

Plonger dans les secrets des uns et des autres, sinistres ou anodins, est bien plus amusant que coudre des sachets de lavande... Et qui sait, Zofia y trouvera peut-être une nouvelle vocation ?

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Je ne lis pas de Cosy crime. L’expansion sans fin de ces titres où Angela Merkel est tirée de sa retraite et Elisabeth II (bientôt) de sa tombe pour résoudre des meurtres policés, n’aide pas à la tentative.

Oui mais voilà, Agullo a tiré sa première cartouche. Et j’ai entamé, avec quelques réserves, Madame Mohr a disparu. Je m’en veux de cette circonspection mal avisée.

Je ne vais pas faire l’affront d’employer Bijou ou Mignardise pour qualifier mon ressenti. Pas devant cette causticité élégante certes mais dont l’acidité explose tout PH bien élevé. Plaisir de lecture oui mais c’est un peu court face à la maestria des deux auteurs derrière le nom de plume de Maryla Szyniczkowa et leur reconstitution immersive, sans pesanteur, d’une Cracovie fin de siècle, banlieue éloignée d’une Vienne rêvée.

Ce polar est un festival de bonnes idées. La première d’entre elles est sa formidable héroïne : Zofia Turbotynska. Les auteurs ont eu l’intuition géniale de ne pas en faire une femme en avance sur son temps, éprise d’égalitarisme. Elle est protocolaire sourcilleuse Zofia. Pingre et très consciente de son rang. D’une intelligence acérée, elle s’emmerde un brin et songe crimes alambiqués et mobiles cachés. Elle veut échapper à sa vitrine. D’une plume vive, acerbe, les deux auteurs nous la rendent attachante et antipathique concomitamment. Fort.

L’investigation suit un train de sénateur qui se dirige vers la buvette après le repas. Et loin de déplorer cette lente déambulation, on la savoure. On se régale des observations ciselées, rarement fausses, rarement exemptes de préjugés de classe, de Madame Turbotynska qui ferait passer Margaret Thatcher pour une diplomate velléitaire. L’enquête trouvera sa résolution impeccable dans la fameuse scène finale et Zofia pourra continuer sa route, imperturbable.

Je raye « je ne lis pas de cosy crime » de mon index de phrases toutes faites (j’en ai plein d’autres) et me répète, Agullo, c’est comme les impôts, en plus sympa : on peut toujours compter dessus !

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