mardi 28 juin 2022

Traduction : Danièle et Pierre Bondil

« Bo se gardait bien de confier que pas une seule fois, son délire n'avait été plus qu'une vérité amplifiée que les gens normaux peuvent nier, atténuer, filtrer pour la ramener à un niveau tolérable.

"Les cyclothymiques perdent la faculté de ne pas savoir", lui avait expliqué le docteur Bittner.

Le monde pourrait être très différent, avait-elle songé une fois, en regardant par la fenêtre de son bureau par un maussade après-midi de février, si tout le monde perdait un peu cette faculté. »

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Un enfant de quatre ans, de race blanche, a été retrouvé sur la réserve indienne des Barona, dans une bâtisse inhabitée, à cinq heures trente du matin. Il était attaché à un matelas par une corde à linge.

Bo Bradley, du service de protection de l'enfant, a été chargée de son dossier. Pourquoi était-il attaché, et la personne qui l'a mis là avait-elle l'intention de revenir ? Bo découvre que l'enfant est sourd, et s'attache à lui.

Mais, bientôt, des tueurs surgissent à l'hôpital où est soigné le rescapé et cherchent à le tuer. Bo engage alors une course contre la montre pour découvrir quelle malédiction pèse sur l'enfant et essayer de le sauver.

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J’ai lu le livre de Abigail Padgett en parallèle du dernier Ellroy. Les deux lignes de lectures que je visualisais dans l’espace n’adoptait pas la même trajectoire sans se croiser. Au contraire, j’avais la sensation qu’elles s’éloignaient l’une de l’autre, qu’elles s’écartaient irrémédiablement.

Si Ellroy multiplie les intrigues, sous intrigues et rebondissements pas toujours convaincants, Abigail s’en tient à sa ligne directrice : sauver un enfant des méchants. Quand Ellroy exploite son staccato si particulier, quasi télégraphique par moments, qu’il en radicalise même le procédé, Padgett délie une plume sobre mais qui se permet des envolées, des pas de traverses.

Cette lecture commune, pour une rare fois, s’est fait au détriment du Mad Dog. Cet enfant du silence est une pépite de polar humaniste qui tient tout entier en son héroïne principale : l’incroyable Bo Bradley. Cyclothymique, Bo doit en permanence lutter contre ses dérives psychiques, « rien n’existe d’autre que la réalité ». Mais Bo a du mal à s’accorder sur ce qu’est la réalité. Comme nous toutes et tous, excepté que nous, on ne s’attarde pas, on passe à autre chose. Bo, non. La conséquence de cette fixation est que l’internement psy est une potentialité qui rythme ses jours.

Là de se rendre compte que si ces deux lignes de lectures dévient, elles ont bien un même point d’origine, un antagoniste singulièrement charpenté.

Si l’argument du Padgett est assez basique, la peinture de Bo Bradley est particulièrement aboutie. Abiagail nous évite les clichés encombrants, l’effondrement brutal et le lithium qu’on fait passer dans du mauvais bourbon.

Génial.

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