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Pâques 1919, alors que les flots menaçant Perdido submergent cette petite ville du nord de l’Alabama, un clan de riches propriétaires terriens, les Caskey, doivent faire face aux avaries de leurs scieries, à la perte de leur bois et aux incalculables dégâts provoqués par l’implacable crue de la rivière Blackwater.
Menés par Mary-Love, la puissante matriarche aux mille tours, et par Oscar, son fils dévoué, les Caskey s’apprêtent à se relever… mais c’est sans compter l’arrivée, aussi soudaine que mystérieuse, d’une séduisante étrangère, Elinor Dammert, jeune femme au passé trouble, dont le seul dessein semble être de vouloir conquérir sa place parmi les Caskey.
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Ayons la scène en tête. Michel Houellebecq et sa dégaine inimitable expliquant à son éditeur qu’il voudrait upgrader son dernier roman Anéantir. Porté par un amour de l’objet livre (que je trouve parfois un poil suspect), Michel veut une couverture cartonnée, un liseré rouge, faut qu’ça claque du classieux. Et on pourra en augmenter le prix de deux à trois euros, tient, au passage...
Michael McDowell, l’auteur de Blackwater, c’est l’opposé absolu de notre Neurasthénique national. Il voulait que le plus grand nombre lise ses livres, qu’ils soient accessibles à toutes les bourses. Directement édités en poche, massivement présents dans les gares, les 6 tomes de Blackwater, déclinés sur plusieurs mois, eurent un succès phénoménal et inspirèrent la structure feuilletonesque et financière de La ligne verte à Stephen King.
Les années 90 connurent un essor du feuilleton livresque : Blackwater, La ligne verte mais aussi Sérum de Loevenbruck (qui finit en quenouille et ce n’est pas sympa. Du tout !) ou encore Les derniers hommes de Pierre Bordage. Depuis, plus rien. Monsieur Toussaint Louverture tente le pari de relancer les livres par épisodes. Un nouveau tome tous les 15 jours.
Soulignons ici l’invraisemblable beauté du travail éditorial. Les couvertures, subtilement kitsch, magnifient l’angle pulpesque des livres originels. Ces couvertures sont comme des tatouages fascinants, fruit de l’art de Pedro Oyarbide. Splendides... À un prix tout à fait abordable.
Et comme le fond rejoint la forme...
Blackwater c’est le pulp à son meilleur. S’appuyant sur un style cinématographique et ambigu, baignant dans un climax fantasticoppressant, Blackwater, ce sont des chieries en série en scierie où deux volontés féminines et coriaces s’affrontent. Les femmes tiennent le haut de la plume dans Blackwater, les hommes falots, soumis, ne comprennent pas grand-chose.
McDowell avait compris un truc à propos de la littérature. L’ambition ne doit pas faire oublier ce léger détail, la lecture repose sur une envie, irrépressible : celle de tourner la page. Et que l’une ne va pas sans l’autre.
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