mercredi 27 avril 2022

« [...] son métier consistait précisément en cela : disposer des miroirs en cercle pour transformer une étincelle en enchantement. »

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On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…

Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.

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J’ai longtemps tourné autour ce post. Il portera en effet sur la question du point de vue en littérature. Question piégeuse s’il en est. Doit-il y en avoir un, déjà ? Et la succession d’interrogations qui découle de postulat ressemble à une multiplication de l’infini par l’absolu, on n’est pas rendu...

Le mage du Kremlin se présente sous la forme d’un long monologue de l’ancien conseiller en communication de Poutine, son consigliere... De son accession au pouvoir à l’invasion ukrainienne. Je soupçonne un ajout de dernière instance pour coller à une actualité mortifère mais je n’en sais rien, cela ne sent pas à la lecture. Une lecture fluide, plaisante pour un livre élégamment écrit, passionnant, qui se lit d’une traite.

Oui mais voilà. Je ne peux me défaire d’un picotement, une démangeaison fugace qui ne réclame pas illico un ongle vigoureux. Ce récit, roman (?), repose quand même sur une fascination gênante pour l’homme fort du Kremlin. Une brute dont on loue la paralysie faciale, apparentée au masque du bluffeur de génie.

Le narrateur répète à l’envi que Poutine est l’homme idoine, celui qu’il faut pour canaliser cette fameuse âme russe : mélange savant de résignation, sens du sacrifice et du tragique, humour acide et folie dangereuse. Ce qui est dérangeant, c’est que jamais un autre Poutine n’est montré. Sa médiocrité (irrésistiblement je songe à Yoda en fixant sa face de batracien botoxée : « personne par la guerre ne devient grand »). Quand il nous est conté que Poutine osa s’attaquer à Mikhaïl Khodorkovski par exemple, jamais il n’est souligné qu'il en profita pour récupérer une grande partie de sa fortune. Et que Poutine, de fait, est devenu l’oligarque ultime.

Mais ce n’est pas da Empoli qui parle, c’est son personnage, Vadim Baranov. Où s’arrête la frontière ? À la fin de cet ouvrage, je ne sais trop ce que pense réellement l’auteur de Poutine. Et alors ? Si ce livre avait pris la forme d’un long pamphlet, il n’aurait pas été le même, il n’aurait peut-être pas été si abouti.

Il n’empêche... Ça gratte.

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