jeudi 24 mars 2022


Traduction : Daniel Matlas

« Lisbonne était la nouvelle métropole des gens momentanément fatigués de la civilisation. »

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Marcelo Silva, ayant quitté le journalisme et l'Allemagne où il était correspondant, est de retour au Portugal.

Pour lutter contre la corruption de l'élite financière et politique qui a mené son pays au bord de la ruine, il a choisi " le glaive à la lame affûtée plutôt que la plume rouillée ".

Nommé à la tête d'une brigade spécialisée, le voilà aussitôt confronté à la disparition d'un millionnaire lié à un énorme scandale sur le point d'éclater. Pendant dix jours, il va parcourir Lisbonne inondée de touristes à la recherche du banquier déchu.

Naviguant entre filles de bonne famille et politiciens corrompus, hommes de main et réseaux de prostitution, Marcelo nous emmène dans un voyage au-delà des apparences et révèle ce qui se cache derrière la vitrine de la " ville aux mœurs douces ".

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Agullo m’excite. Voilà la maison d’édition où ça se passe. La défricheuse. Les cochons truffiers en escadrilles, les prospecteurs en brigade : partir à la recherche de la Truffe éditoriale, de la Pépite imprimée. Valerio Varesi, Fréderic Paulin, Jurica Pavicic... Et je stoppe ici pour ne pas finir mon post en inventaire à la Prévert. Et il me faut de la place. Faire place à Miguel Szymanski. 

Ce n’est pas si innocent si j’ai mentionné en premier Valerio Varesi en premier de ma liste des auteurs Agulléen. Valerio et Miguel présentent quelques similitudes et en premier lieu : l’ancrage. Valerio à Parme, Miguel à Lisbonne. Les deux métropoles sous la plume de ces écrivains gourmets ont le charme trompeur du décati à la mode. Ce qui ressemblait, il y a peu, à de l’insalubrité, présente maintenant l’attrait irrésistible du local, de la sincérité, de l’authentique. Rénové de frais (faut pas déconner non plus) et haussant les prix immobiliers jusqu’à l’inaccessible pour les Lisboètes chassés du centre. 

Valerio et son commissaire Soneri, Miguel et son intraitable Marcelo Silva. Chargé de lutter contre la corruption galopante, le Portugal est un open-space de la concussion, on y voit beaucoup mais on se tasse derrière nos pauvres cloisons. Marcelo Silva est un homme incorruptible mais que Szymanski ne peint pas sous les traits d’un saint laïque en quête de martyr. Marcelo Silva est loin de l’auréole mais encore plus loin du marigot sordide où les rois et reines de la savane s’ébattent en toute impunité. 

Miguel Szymanski signe un roman noir sur les ravages d’un capitalisme financier qui fait autant dans l’autorégulation qu’un Nicolas Cage cocaïné dans la sobriété scénique. Il a surtout la bonne idée de ne pas nous noyer sous les mécanismes abscons et les termes techniques, l’escroquerie est facile à comprendre, le jargon est souvent une déviation. 

Entre déambulation mélancolique dans une Lisbonne changeante vers le pire, la rage de Silva et un dénouement inattendu, on réalise qu’on tient là l’un des polars de l’année.

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