Il se sentait effroyablement seul non parce qu’il était un Européen dans une foule asiatique, mais parce qu’il était un homme malheureux qui ne voyait pas le bout de sa peine.
La famille Pelletier
Trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d’exotisme, une passion soudaine et irrésistible.
Et quelques meurtres.
***
Pierre Lemaitre est un homme délicieux. J’ai eu la chance de l’entendre lors d’une conférence à laquelle j’ai modestement participé. Quel bonheur d’assister à sa prise en main de l’auditoire, son sens de la répartie, ses réflexions acérées sur son métier d’écrivain.
Lemaitre, les deux pieds posés à plat sur la balance, maintient
un équilibre tranquille. Il n’est pas humble, il sait la position singulière
(et privilégiée) qu’il occupe dans la littérature française. Et il n’en est pas
dupe.
Il est un écrivain populaire. Accessible, grand public. Derrière ces qualificatifs se nichent un reproche, une disqualification discrète. Il n’est qu’à lire les articles du temps de son Goncourt, Les Inrocks (par exemple) déplorant une déperdition de la LITTÉRATURE. La seule qui vaille, la tourmentée, ses tourments à soi, écrire avec ses tripes... Tant que les tripes ne sont pas loin du nombril.
Lemaitre investit le romanesque. Nous sommes ici au début des Trente glorieuses qui n’ont rien de glorieux. On pressent la masse d’informations récoltée, le travail de recherche, le stock de post-it consommé... Ce qui frappe, ce sont les trouvailles historiques que Lemaitre a abandonnées pour ne se focaliser que sur deux faits saillants : le début de la Presse telle que nous la connaissons et le scandale de la piastre indochinoise.
Il évite ainsi l’effet Kouglof indigeste, insérer de force tous les faits recensés comme un triangle enfoncé au marteau à la place du cylindre dans un jeu d’enfant. Pierre Lemaitre peut ainsi se consacrer à ses personnages. Du premier d’entre eux aux plus modestes, aucun n’est sacrifié, aucun n’est bâclé. Pierre Lemaitre le dit lui-même : si un personnage sans histoire n’existe pas, à la fin le personnage doit l’emporter sur l’histoire.
C’est dans cette césure, cette sobriété documentaire, retrancher et garder l’essentiel afin que ses avatars de papier puissent épouser l’entièreté de leur destinée d’encre que se loge le talent de Lemaitre.
Remarquable !
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