samedi 1 janvier 2022


Traduction : Gilles Goullet

« Nous nous embrassons et la mer prend feu. »

Bouquiniste indépendant, Emmett Leigh déniche un jour un petit recueil de poèmes lors de la liquidation de la librairie d'un confrère. Un recueil, Le Temps fut, qui s'avère vite d'une qualité littéraire au mieux médiocre... En revanche, ce qui intéresse Emmett au plus haut point, c'est la lettre manuscrite qu'il découvre glissée entre les pages de l'ouvrage. 

Pour le bouquiniste, tout ce qui peut donner un cachet unique et personnel à un livre est bon à prendre. Il se trouve ici en présence d'une lettre d'amour qu'un certain Tom adresse à son amant, Ben, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Remuant ciel et terre - et vieux papiers - afin d'identifier les deux soldats, Emmett finit par les retrouver sur diverses photos, prises à différentes époques. 

Or, la date présumée des photos et l'âge des protagonistes qui y figurent ne correspondent pas... Du tout.

Ce post est encore l’occasion de célébrer l’invraisemblable richesse de la collection Une Heure Lumière chez Le Bélial. Outre une charte graphique reconnaissable entre toutes et d’une beauté inversement proportionnelle à du tuning automobile pratiqué par un mécanicien bourré sous amphet’, les livres de cette collection se distinguent par une profondeur et une densité, jamais démenties. Brassant toutes les composantes de la littérature de l’imaginaires, les courts romans d’Une heure Lumière oscillent entre le foutrement bien et le chef-d’œuvre.

Le temps fut de Ian Mc Donald se situe clairement dans les barreaux les plus élevés de l’échelle de l’émerveillement.

Qu’un bouquiniste repêche dans une benne un recueil de poèmes quelconques mais dont la couverture présente un aspect renflé. Ce recueil contient, cachés dans la page de garde, des lettres d’amours entre deux amants. Que ce même bouquiniste observe la récurrence de ces deux amants sur plusieurs décades, constate sur des photographies d’époque ces deux amoureux n’ayant pas bougé d’un iota et un vertige s’empare de lui. L’immortalité devient une hypothèse crédible.

Ian McDonald célèbre, dans ces pages, un amour se répétant dans le temps, se nouant sur de courtes périodes, sur des théâtres de guerres, au sein de bataille où l’homme donne le pire de lui-même et révèle l’infini potentiel de destruction qu’il porte en lui...

Porté par une plume précise, mélancolique et enlevée, Ian McDonald délaisse ici ses épopées cyberpunks et autres western galactiques (dont l’excellente trilogie Luna) pour une épopée intimiste traversant les années, où les étreintes et les passions d’un couple sont traquées, scrutées par un bouquiniste tenace...

Le temps fut est un livre poignant, captivant, dont le dénouement nécessite un harmonieux agencement de coussins moelleux pour amortir la chute de gravité soudaine de notre postérieur. Sur le cul nous sommes.

Une heure pour le lire, et d’innombrables pour s’en féliciter : the Belial touch.

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