« Nous nous embrassons et la mer prend feu. »
Bouquiniste indépendant, Emmett Leigh déniche un jour un petit recueil de poèmes lors de la liquidation de la librairie d'un confrère. Un recueil, Le Temps fut, qui s'avère vite d'une qualité littéraire au mieux médiocre... En revanche, ce qui intéresse Emmett au plus haut point, c'est la lettre manuscrite qu'il découvre glissée entre les pages de l'ouvrage.
Pour le bouquiniste, tout ce qui peut donner un cachet unique et personnel à un livre est bon à prendre. Il se trouve ici en présence d'une lettre d'amour qu'un certain Tom adresse à son amant, Ben, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Remuant ciel et terre - et vieux papiers - afin d'identifier les deux soldats, Emmett finit par les retrouver sur diverses photos, prises à différentes époques.
Or, la date présumée des photos et l'âge des protagonistes qui y figurent ne correspondent pas... Du tout.
Ce post est encore l’occasion
de célébrer l’invraisemblable richesse de la collection Une Heure Lumière chez
Le Bélial. Outre une charte graphique reconnaissable entre toutes et d’une
beauté inversement proportionnelle à du tuning automobile pratiqué par un
mécanicien bourré sous amphet’, les livres de cette collection se distinguent par
une profondeur et une densité, jamais démenties. Brassant toutes les
composantes de la littérature de l’imaginaires, les courts romans d’Une heure
Lumière oscillent entre le foutrement bien et le chef-d’œuvre.
Le temps fut de Ian Mc Donald se situe clairement dans les
barreaux les plus élevés de l’échelle de l’émerveillement.
Qu’un bouquiniste repêche dans une benne un recueil de
poèmes quelconques mais dont la couverture présente un aspect renflé. Ce
recueil contient, cachés dans la page de garde, des lettres d’amours entre deux
amants. Que ce même bouquiniste observe la récurrence de ces deux amants sur plusieurs
décades, constate sur des photographies d’époque ces deux amoureux n’ayant pas
bougé d’un iota et un vertige s’empare de lui. L’immortalité devient une
hypothèse crédible.
Ian McDonald célèbre, dans ces pages, un amour se répétant
dans le temps, se nouant sur de courtes périodes, sur des théâtres de guerres,
au sein de bataille où l’homme donne le pire de lui-même et révèle l’infini
potentiel de destruction qu’il porte en lui...
Porté par une plume précise, mélancolique et enlevée, Ian
McDonald délaisse ici ses épopées cyberpunks et autres western galactiques
(dont l’excellente trilogie Luna) pour une épopée intimiste traversant les années,
où les étreintes et les passions d’un couple sont traquées, scrutées par un bouquiniste
tenace...
Le temps fut est un livre poignant, captivant, dont le
dénouement nécessite un harmonieux agencement de coussins moelleux pour amortir
la chute de gravité soudaine de notre postérieur. Sur le cul nous sommes.
Une heure pour le lire, et d’innombrables pour s’en féliciter : the Belial touch.
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