dimanche 23 janvier 2022

Traduction : Frank Reichert

Sundown parlait à présent d’une voix qui s’était déparie de toute trace d’amabilité complice et qui évoquait certaines bagarres au rasoir, et tout le bonheur qu’on peut y prendre.
Dans ses rêves, Jewel Cobb s'était imaginé dans la peau d'un tueur de légende. Aujourd'hui, il est descendu dans la ville de Saint-Bruno pour réaliser son fantasme. Son cousin, Duncan, lui a procuré le contrat". Mais Jewel ne sait pas que Duncan le prend pour le "connard rêvé"... 

À l'autre bout de la ville, un conseiller municipal noir est assassiné par un "cambrioleur". Sa mort met Saint-Bruno en ébullition. Le détective René Shade suit une piste qui le mène à "Frogtown", le quartier cajun, au ghetto noir, "la poêle à frire", en passant par les marais et les bayous qui entourent la ville. 

Une piste qui conduit droit au meurtre et à la corruption.

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Daniel Woodrell est un chouchou des amatrices et fans de romans noirs. Celles et ceux qui aiment naviguer en des eaux à la couleur et densité du goudron. Ses deux romans, La mort du petit cœur et Un hiver de glace sont régulièrement cités. À juste titre, ces deux livres sont de purs et grands bouquins, reflétant à merveille la patte du bonhomme, ce mélange de violence sèche et de tendresse, ce mix improbable entre la désespérance de l’humanité et la compassion envers celles et ceux qui la peuplent. Woodrell, c’est un compas étiré à l’extrême, au bord de la rupture.

Sous la lumière cruelle est le premier tome de la trilogie des frères Shade, le barman délinquant, le flic cabossé et l’avocat affairiste. Curieux livre, sec et dense, qui, au fil d’une histoire simple de meurtres, de loosers et autres débiles congénitaux, détaille une ville moite et putride. Saint-Bruno. Une Nouvelle Orléans miniature, un microcosme à un souffle de l’implosion.

Sous la lumière cruelle ressemble presque à un prologue étiré, traversé de violences éruptives et de beauté décadente, plantant les personnages, distribuant les rôles jusqu’au final explosif. La course-poursuite finale dans un marais où l’on s’enfonce horizontale et verticalement est un modèle de tension montante, celle qui fixe l’aiguille résolument dans le rouge.

Woodrell, c’est une langue, une plume tonique et déliée, à l’image du bras qui arme son poing avant de décocher l’uppercut. Il y a quelque chose d’Ellroy, première époque, quand le staccato Ellroyen se faisait moins sentir. La poésie en plus. Car Woodrell fait parfois tinter les clochettes d’une plume qui ne craint pas de s’ébrouer dans des terres plus tranquilles, de ce calme précédent les tempêtes et les fusillades, avant de nous rappeler la crudité du bled, la pestilence en place :

Toute sa vie, désormais, lui faisait l’effet d’une tartine de merde. 

L’exact inverse de ce polar, ramassé comme un fauve avant de prendre son élan. 

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