dimanche 23 janvier 2022

Traduction : Stéphane Carn & Catherine Cheval

Dans le hall se mêlent les effluves d’une bonne demi-douzaine d’après-rasages, d’eaux de toilette et de gels capillaires, le tout assaisonné de relents d’alcool mal digéré, de dégueulis et de vielle crasse.
Tamara, douze ans, partie se promener à bicyclette, disparaît. Sa mère, qui a retrouvé son vélo, alerte la police. Des témoins ont vu un véhicule avec deux hommes qui roulait derrière la fillette. 

Amis depuis l'école primaire, Bank Arbaugh et Mack Steiner, deux flics qui venaient d'achever leur ronde de nuit, repartent en service avec le reste de l'équipe. 

Ils sont d'autant plus motivés dans leurs recherches qu'il y a sept ans, Jamie, onze ans, la fille de Bank, a disparu elle aussi et n'a jamais été retrouvée. 

Quand Craig Holden apporte son fil à la tapisserie du Noir en 1999 avec Les quatre coins de la nuit, il ne révolutionne pas le genre. La mécanique du duo de flics et la combinatoire en résultant, la disparition d’une enfant et les affres qui en découlent, l’infinie chute sans fin dans un gouffre que l’on ne soupçonnait pas, tout cela a été traité, presque trop.

La structure narrative, plus complexe, qui alterne les époques, le passé éclairant le présent et réciproquement, n’est pas non plus complètement inédite. Plus original est le choix de confier le récit au partenaire le plus lisse, le plus terne, de confier le « je » empathique, immersif à l’ombre plutôt qu’à la lumière.

Tout de même, ce n’est pas la conflagration d’un Dalhia noir par exemple. Comment expliquer alors la sensation d’avoir lu un jalon en reposant ce polar ?

Ce n’est pas la plume, elle n’a rien de flamboyant, elle est précise, focalisée, ne dérive pas et reste collée au goudron que foulent Bank et Mack nos deux flics. Ce n’est pas le dénouement quelque peu survendu, il se laisse deviner, pas si aisément certes mais un vieux routier du polar, un polardeux attentif, pourra en discerner les contours.

Je crois que cela tient à un équilibre, un miracle de balance. Un juste dosage de roman d’apprentissage, d’amitié inébranlable et qui vacille malgré tout, d’amours contrariées et d’investigations oppressées comme saisies d’une urgence poignante.

Et puis.. Holden nous cueille définitivement avec ses deux inspecteurs fatigués et brisés. Mack, le narrateur moins uni qu’il ne semble, conscient de ses limites qu’il exagère volontiers, en quête de vie simple, terriblement attachant, un peu trop ? Et Mack le super flic et ses démons, qui fait de la nuit son empire, une sorte de justicier flirtant avec les bornes de la procédure, une sorte de Batman sans costume. Un homme qui avance car il craint de reculer.

Remarquable !

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