dimanche 23 janvier 2022

Traduction : Clément Baude

Nous ne parlons pas de la paix, nous la faisons.

Apeirogon

Une figure géométrique au nombre infini de côtés.

En son cœur, deux pères.

Un palestinien, un israélien, tous deux victimes du conflit, qui tentent de survivre après la mort de leurs filles. Abir Aramin, 1997-2007. Smadar Elhanan, 1983-1997. Il y a le choc, le chagrin, les souvenirs, le deuil. Et puis l’envie de sauver des vies. Ensemble, ils créent l’association « Combattants for Peace » et parcourent le globe en racontant leur histoire pour susciter le dialogue.

Et un nombre infini de côtés.

Toutes les facettes d’un conflit, qui est à la fois historique, politique, philosophique, religieux, musical, cinématographique, géographique. Une tragédie infinie qui happe le lecteur, l’absorbe, lui donne une responsabilité et l’engage à comprendre, à échanger, pour entrevoir un nouveau futur. Une tentative d’apaisement.

***

Le livre dont tout le monde parle. Un brin intimidant tout de même. Mais j’avais tellement aimé Danseur et Les saisons de la nuit. 

Il est des livres que l’on craint de ne pas aimer. On n’a pas envie de sarcasmes. Je n’avais pas envie de cette ironie facile à laquelle je cède si facilement. Je me disais « mon vieux, si tu n’aimes pas Apeirogon, tu fais silence, voilà ».

Mais j’en parle d’Apeirogon, donc j’ai aimé. Eh bien oui bien sûr mais cela va au-delà, c’est un peu plus que ça. Apeirogon est comme la forme géométrique qu’elle est à l’origine, elle semble incompréhensible, elle l’est et puis elle revêt une cohérence, une fascinante beauté.

Colum McCann insuffle de la beauté au cœur de la tragédie. Rami et Bassar traversent l’ultime épreuve, voir périr son enfant, victimes du conflit israélo-palestinien. Et plutôt que se confire dans la haine, voie toute tracée, ils font un pas l’un vers l’autre et œuvre pour une paix introuvable, la peine de l’un se liant à celle de l’autre.

Rami et Bassar existent réellement. En cette époque où nous avons quotidiennement des raisons de souhaiter la collision frontale et définitive d’une comète venue de l’espace profond afin d’éradiquer l’espèce humaine, ces deux pères font mentir l’époque.

Pour porter leur voix, Colum McCann déploie un kaléidoscope romanesque, une expérimentation livresque où des pensées trompeusement flottantes finissent par créer une sorte d’embrassade littéraire, une accolade de papier.

Et je vais faire silence finalement. Car c’est bien un silence poignant qui nous étreint une fois Apeirogon terminé.

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