dimanche 23 janvier 2022


Traduction : Benoît Domis

Si la sentience était à l’origine de toute civilisation humaine et extraterrestre, elle portait également en elle une réserve inépuisable de mal et de folie.

Quand elle avait huit ans, Andrea Cort a été témoin d’un génocide. Pis, après avoir vu ses parents massacrés, elle a rendu coup pour coup. En punition de ses crimes, elle est devenue la propriété perpétuelle du Corps diplomatique. Où, les années passant, elle a embrassé la carrière d’avocate, puis d’enquêtrice pour le bureau du procureur. 

Envoyée dans un habitat artificiel aussi inhospitalier qu’isolé, où deux meurtres viennent d’être commis, la jeune femme doit résoudre l’affaire sans créer d’incident diplomatique avec les intelligences artificielles propriétaires des lieux. Pour ses supérieurs, peu importe quel coupable sera désigné. 

Mais les leçons qu’Andrea a apprises enfant ont forgé l’adulte qu’elle est devenue : une femme pour le moins inflexible, qui ne vit que pour une chose, « combattre les monstres ».

***

Sentience : pour un être vivant, capacité à ressentir les émotions, la douleur, le bien-être, etc. et à percevoir de façon subjective son environnement et ses expériences de vie.

L’imaginaire est-elle une littérature de niche ? J’en doute et la niche s’agrandit. Pour preuve, une maison d’édition importante, qui a un pignon bien en vue dans une grande et belle rue, Albin Michel, a créé la collection Albin Michel Imaginaire qui rencontre un réel succès. Il faut bien en convenir : les choix éditoriaux sont d’une grande qualité.

Émissaire des morts relève d’une SF ambitieuse, spéculative, vertigineuse. Et surtout, surtout, que l’on ne vienne pas me dire que c’est donc, nécessairement, plus que de la SF. Je ne peux plus supporter cette sentence condescendante envers les littératures de genre. Est-ce-que l’on dit de Flaubert que c’est plus que du classique, Modiano plus que du contemporain ?

Émissaire des morts est de la pure SF, celle qui nous tord le cortex, qui fait appel à nos ressources de rêveries. Porté par une écriture rigoureuse, tourné vers l’action mais qui laisse place à des plages de réflexions acérées, ce premier tome pose la problématique de l’inconnu radical et comment y faire face. Comment comprendre ce qui nous est totalement nouveau, sans références bien définies ? Comment concilier le discernement et nos préjugés ?

Les enquêtes d’Andréa Cort sont l’occasion de marier l’énigme policière, l’envolée du space-opéra et une sociologie augmentée, un Lévi-Strauss galactique. Nous faisons connaissance avec l’une des héroïnes les plus tourmentées, secrètes, poignantes et implacables de ces dernières années. Redoutable d’intelligence, André Cort dénoue et déjoue, tout en poursuivant une quête personnelle, comprendre son propre passé. Le plus grand mystère de ce livre c’est elle.

Ne sacrifiant jamais le sens du tempo aux interrogations sur ce qu’est la Conscience et jusqu’où elle peut se nicher, Émissaire des morts est un kif absolu et jubilatoire.

0 commentaires :

Enregistrer un commentaire