vendredi 21 janvier 2022


Schneider ne cognait pas. Il ne ratonnait pas. Il n’était pas partisan de l’héroïsme à cinq contre un.

Nous sommes dans les années 1970, peu avant la mort de Pompidou et l’accession de Giscard au pouvoir. 

Schneider est un jeune officier de police judiciaire, il a travaillé à Paris et vient d’être muté dans une ville moyenne de l’est de la France, une ville qu’il connaît bien. 

Dès sa prise de fonctions, un père éploré vient signaler la disparition de sa fille Betty, une adolescente sérieuse et sans histoires. Elle revenait de la bibliothèque sur son Solex, elle n’est jamais rentrée. 

Schneider a déjà l’intuition qu’elle est morte. De fait le cadavre de la jeune fille est retrouvé peu après, atrocement mutilé au niveau de la gorge.

***

Certains sont des ensorceleurs. Pagan est un magicien. Un alchimiste, sans âge bien défini. Il transforme le plomb.

Posons les choses. Le héros de Pagan est un homme taiseux, farouche, émacié et noueux, sexy et dangereux. Qui allume des clopes à la chaîne. Il a fait la guerre, n’en est pas tout à fait revenu. Il est expert en art martiaux et les femmes se convulsent devant lui.

Bien.

En bref : un poncif mué en bipède, un archétype du Noir sur deux jambes. Il y a fort à parier qu’il écoute du jazz dans le noir, l’air pensif, aussi enjoué qu’une soirée à Tchernobyl en novembre. Pas tout à fait inédit, pas tout à fait ma came.

Oui mais Pagan est un sorcier. Sans baguette de sureau à la main, sans chaudron, armé d’une page blanche et de mots qui coulent, qui épousent, sinuent, cascadent, heurtent...

C’est bien simple, les phrases de Pagan semblent adopter l’entièreté des trajectoires disponibles et au-delà. Une sorte de plume quantique, presque. Toujours en s’astreignant à une seule règle, un unique précepte : la beauté.

Il arrive, lisant Pagan, qu’on pose le livre, que l’on pause, pour savourer le passage que l’on vient de lire, pour en relancer la musicalité dans notre cervelet.

Que Pagan écrive un lever de soleil ou la tombée de la nuit et les pèlerines et pérégrins défilant à la Grande Librairie ressentent soudain le besoin de se cacher derrière le décor.

La beauté. Pas celle qui s’enivre de sa propre virtuosité, se grisant de son audace, mais celle qui s’impose par son évidence, son immédiate implacabilité : elle est là ! Sans jamais perdre de vue les petits, les gens de peu, les indigents... Hugues Pagan est un ancien flic et un éternel lucide :

« La police est là pour défendre les intérêts de la classe dominante. Il en a toujours été ainsi, il en sera toujours ainsi. »

Rien à faire, Pagan nous happe.

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