Traduction : Jean Esch
Plus tard, il sera dans l’incapacité de marcher et, à plus forte raison, de danser avec la petite sœur dans Boylston Street.
Plus tard, il sera dans l’incapacité de mâcher et ses repas sortiront d’un mixeur.
Plus tard, il sera dans l’incapacité de faire la différence entre la veille et le sommeil, et il pénétrera dans un univers de souffrances si intenses qu’il se demandera pourquoi Dieu a créé le monde.
Plus tard, il oubliera le prénom de sa femme. La seule chose dont il se souviendra – de temps à autre –, c’est de s’être arrêté dans la rue, d’avoir posé son attaché-case et d’avoir remué les hanches sur le tempo de la batterie, et il se dira que c’est pour ça que Dieu a créé le monde.
Les journalistes le savent : si ça saigne, l'info se vend. Et l'explosion d'une bombe au collège Albert Macready est du pain bénit dans le monde des news en continu. Holly Gibney, de l'agence de détectives Finders Keepers, travaille sur sa dernière enquête lorsqu'elle apprend l'effroyable nouvelle en allumant la télévision. Elle ne sait pas pourquoi, mais le journaliste qui couvre les événements attire son attention…
Quatre nouvelles magistrales, dont une suite inédite au thriller L'Outsider , qui illustrent une fois de plus l'étendue du talent de Stephen King.
***
Je débuterais ce post, une fois n’est pas coutume, par une
anecdote personnelle. Une amie me demandait courant 2021 ce que j’avais lu de
notable depuis le début de l’année. J’adooore ce genre de question ! Je
prenais une respiration avant de me lancer dans une logorrhée satisfaite quand
une scène me vint aux synapses.
Un homme d’un aspect banal trompeur, car personne n’est
réellement banal ou tout le monde l’est, un homme d’affaire au costume un peu
triste entend la batterie d’un musicien de rue. Le batteur, apercevant ce
comptable, cet assureur, il ne sait, décide de rythmer sa démarche, ses pas, d’un
coup de cymbale, de baguette sur la caisse claire. L’homme s’en rend compte, il
a été danseur durant sa jeunesse, et un bon. Il abandonne sa réserve, notre
manière de nous fondre dans le décor sans faire de vagues, pas même une vaguelette.
Il entame un pas de danse, puis deux, puis trois et c’est l’envolée. Le batteur
suit, le rythme s’emballe. L’homme invite une jeune femme à se joindre à lui.
Ce coin de trottoir prend feu. La foule s’arrête, marque le tempo des paumes, c’est
un embrasement, de ceux qui nous font oublier, qui nous rabiboche avec l’existence.
Cette scène que je décris péniblement est tirée de la
deuxième nouvelle du dernier recueil de Stephen King, Si ça saigne. Titrée La
vie de Chuck, ce récit est une apocalypse personnelle, intime et à rebours.
Elle est magistrale.
Cette danse échevelée en est l’acmé, ces quelques
paragraphes sont scotchant, tout l’art de King y est condensé. Cette accessibilité
directe, immédiate, aux personnages, cette façon inimitable de nous les rendre
touchants en deux ou trois lignes pour les rassembler en une bacchanale explosive,
c’est quelque chose...
Les autres nouvelles ne sont pas de ce niveau. Elles sont inégales. Mais, La vie de Chuck fait partie ce que j’ai lu de plus remarquable en 2021. J’ai acheté le livre à mon amie et gardé ma tirade pour moi (et pour vous).
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