dimanche 23 janvier 2022

Traduction : Patrick Dusoulier

Il y a des choses qui supportent mal la haute définition.

Une écrivaine de fantasy récemment veuve se laisse guider à travers un hiver glacial par la voix de feu son époux. 

Une dame âgée, victime d'hallucinations, apprend peu à peu à accepter la présence des petits hommes qui ne cessent de surgir à ses côtés, tandis que des militants populistes se rassemblent pour mettre le feu à sa maison de retraite. 

Une femme née avec une malformation génétique passe pour un vampire. Un crime commis il y a longtemps se voit vengé dans l'Arctique par un stromatolithe vieux de 1,9 milliard d'années... 

Dans ce recueil composé de neuf contes poétiques et satiriques empreints d'une ambiance gothique, Margaret Atwood, la grande dame des lettres canadiennes, s'aventure dans des ténèbres explorées avant elle par des auteurs tels que Robert Louis Stevenson, Daphné Du Maurier ou Arthur Conan Doyle.

Margaret Atwood. Immense. Celle qui copine avec Murakami dans le club du « Prix Nobel ce n’est pas pour cette fois mais nous n’étions pas loin. »

J’ai extirpé Neuf contes de ma bibliothèque où il se faisait malheureusement oublier et bien m’en a pris. Ce recueil de neuf nouvelles est un concentré d’acidité, de cruauté et d’humour noir. Présentés quelque peu hardiment comme gothiques, ces récits sont surtout une recension magistrale de l’ultime trahison, celle de nos corps, quand ils s’affaissent, se dérobent, jusqu’à la défaite ultime, la mort. 

La vieillesse et la mort unissent ces neuf contes. La mort véritable, physique qui s’accompagne souvent de celle du couple. Mais attention nous ne sommes pas dans un catalogue amer et désabusé, genre un Houellebecq des antipodes, non. Car Margaret trempe sa plume dans une encre vive, nerveuse et acerbe. L’humour n’est jamais loin, noir goudron le plus souvent même s’il ne se refuse pas des accès de loufoquerie, de bouffonnerie maitrisée. 

Les femmes sont aux premières loges et les hommes des ombres, des passages obligés, calque inversé d’un film hollywoodien moyen. Quand ils sont présents, ils ne sont guère à leur avantage. Mention spéciale à cet ersatz de Philip Roth dans le deuxième conte, obsédé par son kikou en berne, qui se réinvente en vieux satyre aux bandaisons envolées et n’est finalement qu’un vieux bonhomme pathétique, bizarrement touchant.

D’une cohérence qualitative tout à fait remarquable, Neuf Contes prouve une nouvelle fois la maestria de Madame Atwood. 

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